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La dénutrition

La malnutition

UNE DÉFINITION Clin Nutr 2008;27:706–716

C'est un état subaigu ou chronique dans lequel une association, à des degrés divers, d’un déséquilibre nutritionnel (qu’il soit en excès ou en défaut) à une activité inflammatoire, est responsable d’une modification de la composition corporelle (diminution de la masse musculaire et de la masse grasse) et d’une diminution des fonctions d’organes (déficits immunitaires, musculaires et cognitifs).

EN PRATIQUE

Sa sévérité...

C'est une perte de poids involontaire supérieure à 10 % en six mois ou à 5 % en un mois, et d’un indice de masse corporelle inférieur à 17 kg/m², ou 21 kg/m² chez le sujet âgé. La malnutrition est qualifiée de modérée, selon les critères suivants :

  • Une perte de poids involontaire en 3 à 12 mois de 5 à 10 % de soin poids habituel
  • Un indice de masse corporelle [(P (kg)/T² (m)] ou  IMC de 18-20 kg/m²
  • Un périmètre brachial et un pli cutané < 15èm e et > 5ème centile


La malnutrition est définie comme sévère selon les critères suivants :

  • Un IMC inférieur à 18 kg/m²
  • Une perte de poids involontaire pendant 3 mois de 10 % ou plus
  • Un périmètre brachial et un pli cutané < 5 ème centile
  • Une consommation alimentaire diminuée et des altérations fonctionnelles sévères


C'est fréquent....
Elle affecte de 20 à 80 % des malades souffrant d'un cancer.  Elle est plus fréquente en cas de cancer du tube digestif proximal (œsophage, estomac), de la sphère ORL ou du poumon.

Pourquoi ?
Elle est, pour partie, la conséquence d'une diminution des apports alimentaires provoquée par une anorexie centrale qui va de pair avec l’évolution de la maladie, une satiété précoce, des troubles du goût et de l’odorat, ainsi que la toxicité digestive de la plupart des anticancéreux.

Son évolution...
Si les apports alimentaires sont inférieurs à 70 % des besoins, la dénutrition s’aggrave progressivement et est associée à un état inflammatoire, évalué par la CRP. Cette réaction inflammatoire aggrave les pertes protéiques. Un taux d’albumine dans le sang inférieur à 30 g/L, définit une dénutrition sévère.

Dénutrition

 

Patient < 70 ans Patient ≥ 70 ans

Perte de poids ≥ 10% par rapport à une valeur antérieure ou ≥ 5 % en 1 mois
IMC (index de masse corporelle = poids en Kg / (taille en m)² ) ≤ 17 Kg/m²

Perte de poids ≥ 10 % par rapport à une valeur antérieure ou ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois
IMC ≤ 20 Kg/m²

 

Sévérité de la dénutrition

 

Dénutrition moyenne Dénutrition sévère

Perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 % en six mois
IMC < 21 kg/m² 
Albuminémie < 35g/l 
Mini Nutritional Assessment global < 17

Perte de poids ≥ 10 % en un mois ou ≥ 15 % en six mois 
IMC < 18 kg/m² 
Albuminémie < 30g/l 

La prévalence de la dénutrition est élevée en cas de cancer...

Elle dépend du type de cancer avec une prédominance pour les cancers

  • De de la sphère ORL (tête et du cou) : 50 % et on estime, qu’avant même d’avoir débuté le traitement, la perte de poids est présente chez 30 à 50 % des patients atteints d’une tumeur de la tête et du cou du fait des troubles de la déglutition qu'elle induit.
  • De l’œsophage, de l’estomac et du pancréas : 15 % à 80 % 
    • Au cours des cancers de l'estomac ou de l'œsophage, la prévalence de la dénutrition est supérieure à 80 %
    • Pour le cancer du pancréas, la perte de poids est, en moyenne, de 14 % au moment du diagnostic et de 25 % au moment du décès
    • La carcinose péritonéale, quelle que soit son origine, entraîne une dénutrition sévère constante par impossibilité de s'alimenter du fait de l'occlusion intestinale chronique qu'elle induit.
  • Du poumon : 30 à 80 %
  • Du sang ( hémopathies malignes) : 34 %

 

Perte de poids moyenne selon type de cancer

Incidence de la perte de poids 5 à 10 % 
(% de patients)
> 10 % 
(% de patients)
Cancer du côlon 14 14
Cancer de prostate 18 10
Cancer du poumon 20 15
Cancer du pancréas 21 26
Cancer de l'estomac 26 38

La cachexie...

La cachexie cancéreuse se définit comme un syndrome métabolique associé à la dénutrition. C'est un état qui correspond à la dégradation profonde de l'état général, accompagnée d'une maigreur importante. C'est une perte continue de la masse musculaire squelettique (avec ou sans perte de masse grasse) qui ne peut pas être intégralement reconstituée par un soutien nutritionnel classique et qui conduit à une diminution progressive des capacités fonctionnelles.
Dans une publication récente (Lancet Oncology 2011;12:485–495), trois stades de cachexie ont été définis et sont présentés dans le tableau ci dessous

 

Pré-cachexie Cachexie Cachexie réfractaire

Perte de poids < 5 % 
Perte d'appétit (anorexie) 
Modification du métabolisme

Perte de poids > 5 % 
IMC < 20 et amaigrissement > 2 % ou 
Perte des muscles (sarcopénie) > 2 %
ou 
Syndrome inflammatoire
ou 
Diminution des apports alimentaires

Résistance du cancer aux traitements
Diminution des capacités fonctionnelles 
Espérance de vie < 3 mois

Pourquoi ?

TOUT D'ABORD, LA RÉDUCTION DES APPORTS ALIMENTAIRES

Un des facteurs essentiels expliquant la dénutrition au cours du cancer est la réduction des apports alimentaires.

La perte d'appétit (anorexie)
Selon la localisation primitive du cancer, de 30 à 75 % des malades ont une perte de l'appétit. Elle est plus fréquente en cas de cancer du tube digestif haut, de la tête et du cou et du poumon.

Les troubles du gout et de l'odorat
Les modification du goût ou dysgueusie ainsi que de l'odorat sont fréquents. Ils peuvent se traduire par une sensation de dégout lors des repas et contribuer à la réduction de prises alimentaire.

Les phénomènes mécaniques
Ils contribuent à la réduction de l'alimentation lorsque la tumeur directement bloque les aliments. Ceci est le cas, par exemple, en cas de cancer du larynx, de l'œsophage, de l'estomac ou lors d'une carcinose péritonéale.

Souvent cela est plus complexe...
En fait, il existe souvent une perte d'appétit ou anorexie associée à la présence d'une tumeur qui se crée par un phénomène d'aversion alimentaire. Cette aversion alimentaire semble liée à la stimulation d'une zone du cerveau, l' area postrema , proche du centre du vomissement.

DES TENTATIVES D'EXPLICATIONS....

Pour expliquer ce phénomène, les spécialistes mettent en avant, les causes suivantes :

  • Un déséquilibre du métabolisme des acides aminés aboutissant à une accumulation de tryptophane précurseur de sérotonine qui est une amine anorexigène
  • Le rôle anorexiant d'une cytokine, le TNF-alpha
  • Les carence possibles en micronutriments

Certaines recherches récentes impliqueraient, au niveau de l'hypothalamus postéroventral, une activation de la pro-apomélanocortine par les cytokines comme le TNF-alpha et une inhibition du neuropeptide Y.

MAIS IL EXISTE D'AUTRES FACTEURS ...

La réduction des apports alimentaires n'explique pas, à elle seule, tous les problèmes nutritionnels rencontrés au cours du cancer car, dans cette maladie, on observe des désordres métaboliques associés complexes.
Les cytokines sont sécrétées par des macrophages. Activées, elles favorisent l'anorexie et ont, en général, un effet lipolytique et protéolytique.
La dépense énergétique peut être augmentée au cours du cancer. Cette augmentation, inconstante, est de l'ordre de 15 % et surtout rencontrée chez les malades qui présentent de la fièvre et/ou un état infectieux.
Le métabolisme glucidique est anormal et caractérisé par une augmentation de la néoglucogénèse et de l'alanine, et une résistance à l'insuline. La lipolyse (dégradation des graisses) est constante, entraînant une diminution des réserves en graisse, une augmentation des concentrations plasmatiques en glycérol et en acides gras libres. Les anomalies du métabolisme protéique associent une augmentation de la dégradation des protéines, une diminution de la synthèse protidique musculaire, une augmentation de la synthèse des protéines inflammatoires et une balance azotée constamment négative.

Pourcentage de malades anorexiques au moment du diagnostic selon le type cancer

Plus de 50 % des patients Moins de 50 % des patients

Ovaire 75 %
Poumon 66 %
Estomac 60 %
Prostate 57 %

ORL 40 %
Côlon/rectum 37 %
Lymphome 36 %
Sein 33 %

 

NE PAS NÉGLIGER...

C'EST UN ASPECT IMPORTANT DE LA PRISE EN CHARGE...

C'est important de prendre en compte les problèmes nutritionnels et les troubles digestifs afin d’éviter la dénutrition et la prévenir. Tout le monde sait que bien s’alimenter va avec :

  1. Un meilleur moral
  2. Une meilleure résistance contre les infections
  3. Une meilleure tolérance du traitement anticancéreux

 

LE SIGNALER RAPIDEMENT...

Toute perte de poids de plus de 10 % en 6 mois doit faire l’objet d’une consultation diététique. Si aucune mesure n'est prise, une aggravation de l’état général et du pronostic avec asthénie, alitement, fonte musculaire (sarcopénie) et altération de la qualité de vie est prévisible.

Les seuils d'alerte

Un indice de masse corporelle (IMC) < 18.5
Une albuminémie <  30 g/l (hors syndrome inflammatoire)
Un transthyrétinémie (pré-albumine) < 180 mg/L

Un paramètre important à ne pas sous-estimer...

DES CONSÉQUENCES MULTIPLES

La dénutrition peut s'accompagner de troubles ou de pathologies multiples et qui peuvent se traduire par :

  • Un retard de cicatrisation après une intervention chirurgicale, en particulier pour la paroi cutanée et les anastomoses
  • Une perte musculaire
  • Un défaut de synthèse hormonale pouvant aboutir à une hypothyroïdie ou la disparition des règles (aménorrhée)
  • Une modification du métabolisme des médicaments
  • Une augmentation du risque d'infections
  • Un retard de la sortie de l'hôpital


C'EST AUSSI UN FACTEUR PRONOSTIC....

Il est démontré et est indépendant de la maladie elle-même. Ainsi, une perte de poids supérieure à 15 % associée à un taux d'albumine dans le sang inférieur à 35 g/L est associée à un mauvais pronostic.

Mise à jour

31 juillet 2016