Les IMIDs & les IDOs

Le thalidomide

IL Y 50 ANS...

Tout commence par une catastrophe sanitaire…

Le thalidomide est un dérivé synthétique du glutamate.
Ce médicament a été introduit en Allemagne en 1956 comme sédatif puis utilisé, à la fin des années 1950, pour ses propriétés antiémétiques (contre les vomissements). Ce médicament était alors considéré comme peu toxique et une de ses principales indications était les nausées et les vomissements du début de la grossesse.
La dramatique constatation d'effets tératogènes, notamment d'agénésies de membres (phocomélie), a conduit à son retrait en 1961, d'autant qu'à la même époque ont été rapportées les premières observations témoignant d'une toxicité nerveuse périphérique.

Le thalidomide : un inhibiteur de l’angiogenèse

En 1965, cette molécule avait été testée en cancérologie, mais les résultats des études avaient été décevants. La découverte de son efficacité dans le traitement de la lèpre a conduit à la poursuite de son utilisation sous l'égide de l'OMS.
Dans le domaine des maladies malignes, l'inhibition de la néo-vascularisation induite par les cellules tumorales, pressentie depuis pratiquement 30 ans, a trouvé ses premières concrétisations expérimentales au début des années 90.
Partant de l'hypothèse que l’absence de développement des membres du fœtus (agénésie) entraînée par le thalidomide pourrait résulter d'une inhibition du développement vasculaire, Judah Folkman (1933 - 2008), pionnier dans le domaine, a étudié le thalidomide dans divers systèmes expérimentaux. Ce chercheur a démontré que le thalidomide était susceptible de bloquer l’angiogenèse.
En 1999, l'équipe américaine de Bart Barlogie va démontrer l'efficacité de ce produit en monothérapie chez les patients porteurs de myélome multiple en rechute, avec une actualisation des résultats en 2001, sur une cohorte totale de 169 patients (N Engl J Med 1999;341:1565-1571).

En fait, un mode d'action à plusieurs facettes...

Le thalidomide ainsi que les médicaments de la famille des IMiD se caractérisent par un mode d'action complexe mêlant

  • Un effet antitumoral direct
    • Activité anti-proliférative et pro-apoptotique,
    • Un arrêt du cycle cellulaire
    • Une diminution de la capacité de migration cellulaire
  • Une modification des interactions avec le micro-environnement médullaire
    • Une activité anti-angiogénique
    • Une activité anti-ostéoclastique (inhibition de la destruction de l'os)
    • Une inhibition de l’adhésion de surface entre cellules myélomateuses et cellules stromales médullaires)
  • Une action immunomodulatrice

 MAINTENANT...

Le thalidomide dans le traitement du myélome multiple

Il donne des résultats positifs dans 30 à 60 % des myélomes en rechute à un stade avancé et tend à devenir un traitement de première ligne.
La toxicité observée, outre le risque de neuropathies sensitives régressant lentement, est essentiellement liée à une somnolence, un état dépressif ou à des modifications du comportement, une rétention hydrique, une constipation. Ces risques sont majorés avec l'âge et peu influencés par la dose. Récemment, un risque de thrombose majoré lors d'utilisation associée à une chimiothérapie, notamment des anthracyclines, a été observé.

Il est indiqué, en association avec le melphalan et la prédnisone (protocole MPT), pour le traitement de première ligne des patients âgés de plus de 65 ans présentant un myélome multiple non traité ou présentant une contre-indication à la chimiothérapie à haute dose.

D’autres applications potentielles…


De plus, le thalidomide pourrait avoir des applications thérapeutiques dans le traitement d’autres maladies du sang (hémopathies malignes), comme la maladie de Waldenström, les myélodysplasies ou les syndromes myéloprolifératifs.

LE LENALIDOMIDE (REVLIMID™)

UN MODE D'ACTION COMPLEXE...

C’est une molécule, analogue du thalidomide, appelée IMiD.
Son mécanisme d’action est complexe car cette molécule possède des propriétés antinéoplasiques, anti-angiogéniques et pro-érythropoïétiques.
Ce médicament possède, en outre, une activité immuno- modulatrice. Il serait, aussi, actif sur le système immunitaire en permettant la maturation des lymphocytes T, des cellules NK et la production d’IL-2.
Il inhiberait, de plus, la sécrétion de cytokines inflammatoires comme le TNF-alpha et l'IL-1 bêta.

INDICATIONS HOMOLOGUÈES

Myélome multiple
Traitement du myélome multiple non préalablement traité chez les patients non éligibles à une greffe
En association avec la dexaméthasone (REV-DEX), pour le traitement du myélome multiple chez les patients ayant déjà reçu au moins un traitement antérieur.

Syndromes myélodysplasiques
Traitement des patients présentant une anémie avec dépendance transfusionnelle due à un syndrome myélodysplasique à risque faible ou intermédiaire 1 associé à une anomalie cytogénétique de type délétion 5q isolée, lorsque les autres options thérapeutiques sont insuffisantes ou inappropriées

Lymphome à cellules du manteau
Traitement du lymphome à cellules du manteau en rechute ou réfractaire.

Lymphome folliculaire
En association avec le rituximab (anticorps anti-CD20), pour le traitement du lymphome folliculaire (de grade 1, 2 ou 3a) préalablement traité.

ADMINISTRATION DU MEDICAMENT

Le lenalidomide est actif par voie orale et se présente sous forme de gélules dosées à 2.5, 7.5 et 20 mg
La dose initiale recommandée est de 25 mg en une prise par jour de J1 à J21 suivi d'un arrêt d'une semaine en association avec la dexaméthasone à la dose de 40 mg en une prise par jour de J1 à J4, de J9 à J12 et de J17 à J20 de chaque cycle de 28 jours pour les 4 premiers cycles de traitement, puis de 40 mg en une prise par jour de J1 à J4, tous les 28 jours pour les cycles suivants.

TOLÉRANCE

Cette molécule est structurellement proche du thalidomide et de ce fait, si le lenalidomide est pris durant la grossesse, il est tératogène. De ce fait les mêmes précautions d'emploi que pour le thalidomide s'appliquent chez la femme susceptible de procréer et chez l'homme, en raison de la présence de la molécule dans le sperme. 
L’effet secondaire spécifique de ce médicament est une baisse du taux de plaquettes et de globules blancs dans le sang. Une surveillance à la recherche d'une hémopathie secondaire est mise en place par l'équipe soignante.

LE POMALIDOMIDE (IMNOVID™)

EN BREF...

C’est un analogue du thalidomide, actif par voie orale en cycle de 21 jours suivis d'une fenêtre thérapeutique. Il est globalement bien toléré.

INDICATIONS 

En association avec le bortézomib et la dexaméthasone, il est indiqué dans le traitement du myélome multiple chez les patients ayant déjà reçu au moins un traitement antérieur comportant le lénalidomide.
En association avec la dexaméthasone, il est homologué pour le traitement du myélome multiple en rechute et réfractaire chez les patients ayant déjà reçu au moins deux traitements antérieurs comportant le lénalidomide et le bortézomib et dont la maladie a progressé pendant le dernier traitement.
La dose initiale est de 4 mg, de J1 à J21 de chaque cycle de 28 jours, par voie orale en une dose unique quotidienne. Cette prise doit être associée à la prise de dexaméthasone par voie orale, à la dose de 40 mg/semaine (J1 J8 J15 et J22 de chaque cycle) ou de 20 mg/semaine chez les patients âgés de plus de 75 ans.

DEMAIN

Il est aussi en recherche clinique pour traiter certains cancers de l’ovaire et certaines maladies du sang héréditaires ou malignes.

En bref, leur tolérance...

 

ThalidomideLenalidomide Pomalidomide
  • Tératogénicité
  • Neuropathie sensitive
  • Pas de cytopénie
  • Risque de maladie thrombo-embolique
  • Tératogénicité
  • Cytopénies: neutropénie, thrombopénie
  • Neuropathie moindre
  • Risque de maladie thrombo-embolique
  • Élimination rénale
  • Tératogénicité
  • Cytopénies
  • Peu ou pas de neuropathies
  • Risque de maladie thrombo-embolique
  • Pas d'élimination rénale

 

 

l’indoleamine 2,3-dioxygénase (IDO)

EN BREF...

L’un des mécanismes par lesquels les tumeurs s’évadent du système immunitaire est l’expression d’enzymes responsables du métabolisme des acides aminés dont l’une des principales est l’indoleamine 2,3-dioxygénase (IDO).
Cette enzyme, IDO, dégrade le tryptophane et diminue ainsi sa disponibilité dans le microenvironnement tumoral, ce qui engendre des effets négatifs sur la prolifération, les fonctions et la survie des lymphocytes T qui y sont présents.

UNE NOUVELLE PISTE DE TRAITEMENT...


Une nouvelle classe d'immuno-modulateurs oraux exploite cette cible.
Les inhibiteurs d'IDO, dont le chef de file est l'epacadostat exerce un effet non négligeable sur le mélanome métastatique lorsqu'il est combiné au pembrolizumab.

Mise à jour

14 mai 2023