Les cholangiocarcinomes
GÉNÉRALITÉS
LA CLASSIFICATION
L’American Joint Committee on Cancer (AJJC) a publié en 2017 une nouvelle classification des tumeurs des voies biliaires. Dans cette classification, Les ampullomes de Vater ainsi que les tumeurs de la vésicule biliaire ne sont pas pris en compte. Ces maladies sont présentées dans des chapitres spécifiques de l'onglet "Cancers des voies biliaires et de la vésicule biliaire".
Les cholangiocarcinomes sont regroupés en tumeur
- Des voies biliaires extrahépatiques,
- Des voies biliaires intrahépatiques
Les tumeurs des voies biliaires extra-hépatiques sont elles-mêmes divisées en deux sous-groupes :
- Les tumeurs péri-hilaires comprenant le canal hépatique commun jusqu’à la division du cholédoque et du canal cystique
- Les tumeurs extra-hépatiques distales situées de la bifurcation du cholédoque en canal cystique et canal hépatique commun jusqu’à l’embouchure du duodénum.
La forme la plus répandue est extra-hépatique représentant 90 % des localisations contre 10 % pour les tumeurs intrahépatiques.
QUELQUES CHIFFRES...
Les cancers des voies biliaires sont des maladies rares, représentant seulement 3 % des cancers digestifs, mais dont l’incidence ne cesse d’augmenter avec environ 3 000 nouveaux cas par an en France.
Il existe une légère prédominance masculine.
Si l’on considère les différentes localisations, le cholangiocarcinome intrahépatique représente la deuxième cause de cancer primitif du foie après le carcinome hépatocellulaire. Sa fréquence parmi l’ensemble des tumeurs malignes du foie est de 5 à 10 %, soit 2 % de toutes les tumeurs malignes.
L'âge moyen lors du diagnostic est de 59 ans.
Il s’agit dans plus de 90 % des cas, d’adénocarcinomes.
En dépit des progrès, le pronostic de ce cancer reste grave.
Les facteurs de risque
GLOBALEMENT
Les maladies chroniques des voies biliaires sont, en général, associées à des cholangiocarcinomes périphériques, c’est-à-dire affectant les petites voies biliaires intrahépatiques.
Les pathologies à l’origine d’une inflammation chronique des voies biliaires semblent favoriser les cholangiocarcinomes des grosses voies biliaires.
PLUS SPÉCIFIQUEMENT...
Les colites inflammatoires et particulièrement la rectocolite hémorragique (RCH)
Elles exposent à un risque accru de cholangiocarcinome. Un cancer biliaire apparaît chez 1,4 % des patients dans les 20 ans suivant le diagnostic de RCH.
La cholangite sclérosante primitive des voies biliaires
C'est une affection rare, caractérisée par une fibrose oblitérante des voies biliaires souvent associée à une colite inflammatoire. Le risque de développer un cholangiocarcinome est de 8 à 40 %, selon les publications.
Les malformations congénitales des voies biliaires
Elles représentent un facteur de risqué reconnu. Il s'agit de malformations du canal commun biliopancréatique, des kystes du cholédoque et la maladie de Caroli .
Le développement de tumeurs pourrait être favorisé par une stase biliaire et un reflux de suc pancréatique, entraînant une inflammation locale chronique favorisant le développement de tumeurs, avec un risque de dégénérescence de 15 à 20 ans.
Les anastomoses bilio-digestives
Un cholangiocarcinome peut survenir après 10 ans d’évolution chez 2 % des patients ayant eu une anastomose hépatico-jéjunale et 6 à 7 % des patients ayant eu une sphinctéroplastie.
Le cancer colique non polyposique héréditaire ( HNPCC )
Les tumeurs des voies biliaires sont plus fréquentes dans les familles atteintes du syndrome HNPCC , avec un risque relatif de cinq à huit (alors qu’il est supérieur à huit pour les tumeurs colorectales, de l’endomètre, de l’intestin grêle et de l’uretère).
Les autres tumeurs à risque relatif équivalent sont celles de l’ovaire et de l’estomac.
Plus récemment...
D’autres facteurs de risque ont été identifiés : existence d’une cirrhose, infection à VIH ou VHC, consommation excessive d’alcool, diabète, le syndrome métabolique
La consommation de tabac peut, aussi, contribuer à cette pathologie.
Les distomatoses
Ce sont dues à certains parasites rencontrés de façon endémique en Asie du Sud-Est, tels le Clonorchis sinensis et l' Opistorchis viverini . Ces parasitoses sont associées à une fréquence accrue de cancers des voies biliaires.
Le Thorotrast™
C'est un ancien produit de contraste utilisé entre 1930 et 1950 qui a été à l'origine d'une augmentation de ce type de maladie.
LES SIGNES & LES SYMPTÔMES
RIEN...
Le diagnostic est souvent porté de façon fortuite à l’occasion d’un bilan biologique systématique, de la découverte d’une anomalie radiologique lors d’une échographie ou d’un scanner abdominal, ou lors de l’analyse anatomopathologique d’une pièce de cholécystectomie. En effet, ces tumeurs sont longtemps asymptomatiques et leurs symptômes sont peu spécifiques.
PARFOIS
Dans un tiers des cas environ, il peut exister des douleurs abdominales, un ictère (jaunisse) plus ou moins associé à un prurit, une altération de l’état général, mais ces signes se retrouvent seulement.
LE DIAGNOSTIC
L'EXAMEN CLINIQUE
Il est souvent proche de la normale. Il peut retrouver une hépatomégalie, une vésicule biliaire volumineuse ou des signes d' hypertension portale.
LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
La prise de sang
Il peut exister, des signes de rétention biliaire avec une augmentation de la bilirubine conjuguée et/ou une atteinte du foie se traduisant par des signes de cytolyse.
Une augmentation des marqueurs tumoraux
Il n’y a pas de marqueurs tumoraux spécifiques des cholangiocarcinomes canalaire ou non mais, en prtaique, le dosage du CA 19-9, de l’ACE et du CA 125 est souvent demandé.
L’ACE est élevé chez 30 % des patients avec cholangiocarcinome canalaire mais peut être élevé aussi dans le cadre d'une colite inflammatoire (maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique) et d’une obstruction biliaire, par un calcul, par exemple.
Le CA 125 est élevé chez 40 à 50 % des patients avec cholangiocarcinome canalaire et suggère l’existence de métastases péritonéales.
Le CA 19-9 est élevé dans plus de 85 % des patients avec cholangiocarcinome canalaire se développant chez les patients qui ont une cholangite sclérosante.
L’imagerie médicale
L'échographie abdominale peut visualiser une dilatation des voies biliaires, mais la tumeur n’est pas toujours visible.
Le scanner thoraco-abdomino-pelvien permet de retrouver la tumeur dans 90 à 100 % des cas, et permet par ailleurs, après injection de produit de contraste de rechercher une extension locale, notamment vasculaire, des adénopathies, ou des localisations secondaires pulmonaires.
La cholangio-pancréatographie par IRM (CP-IRM) fournit une cartographie des voies biliaires et permet de localiser le siège de l’obstacle ainsi que de donner des renseignements sur l’extension locale.
Un scanner cérébral et une scintigraphie osseuse seront réalisés en cas de point d’appel.
LA STADIFICATION T.N.M. (8ème édition 2018)
Stade | Tumeur T | Ganglions N | Métastases M |
---|---|---|---|
0 | Tis | N0 | M0 |
IA |
T1 T2 |
||
IIA IIB |
T3 T1, T2 |
N0 N1 |
|
III | T4 | Tout N | |
IV | Tout T | Tout N | M1 |
L'extension locale de la maladie est longitudinale.
Sa progression se fait vers le haut, touchant le foie, et vers le bas, affectant le pancréas.
LE TRAITEMENT…
LA CHIRURGIE
La décision d'opérer
Elle sera prise après discussion du dossier en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) regroupant des chirurgiens, des oncologues et des radiologues. Cette décision fera suite au bilan d’opérabilité et d’extension.
Elle dépend de l’extension locale de la tumeur (uni- ou multifocale, nombre de segments hépatiques atteints), de l’extension vasculaire (l’atteinte de la veine porte est classiquement une contre-indication) et biliaire, de l’état général du patient et du foie non tumoral (atrophie hépatique). L’existence de métastases à distance, d’une carcinose péritonéale ou d’adénopathies locorégionales représentent une contre-indication à la chirurgie.
Le type et l'étendue de la résection chirurgicale
Elle est variable selon les caractéristiques de cholangiocarcinome
- Périphérique, la résection portera sur les segments hépatiques envahis
- Péri-hilaire, l'opération consistera en une résection biliaire et hépatique
- Extra-hépatique, le type d'intervention sera fonction de la localisation de la tumeur
Le curage ganglionnaire et le picking ganglionnaire systématiques ne sont pas recommandés, ils permettent néanmoins une stadification de la maladie. Une extension ganglionnaire macroscopique est une contre-indication à la chirurgie.. Lorsque la chirurgie radicale n’est pas possible, un drainage (chirurgical, endoscopique ou transhépatique) peut être proposé pour diminuer les signes de rétention biliaire.
LA CHIMIOTHÉRAPIE
En première ligne, les protocoles usuels, hors essais thérapeutiques, sont les suivants : GEMCIS : gemcitabine 1000 mg/m² et cisplatine 25 mg/m² à J1 et J8, toutes les 3 semaines soit 8 cycles est considéré comme un traitement de référence ou GEMOX 85 : gemcitabine 1000 mg/m² à J1 et oxaliplatine 85 mg/m² à J2, tous les 14 jours soit 12 cycles est mieux toléré.
En traitement adjuvant, la capécitabine en deux prises par jour du premier au 14ème jour (cycle de 21 jours) pendant 6 mois est une option possible.
En deuxième ligne, on peut vous proposer : 5-FU + Leucovérine™ (LV5FU2) avec ou sans carboplatine ou 5-FU + Leucovérine™ + cisplatine
LE SUIVI DU TRAITEMENT
Il comprend, un scanner abdominal à 3 mois après chirurgie puis une surveillance clinique et biologique tous les 4 mois.
Un scanner abdominal sera aussi demandé toutes les 4 cures au cours des chimiothérapie.
Les principes du traitement
Cholangiocarcinome intra-hépatique : résection hépatique
Cholangiocarcinome péri-hilaire : résection de la voie biliaire principale (VBP) + résection hépatique +/-résection pancréatique
Cholangiocarcinome du bas cholédoque : résection VBP + résection pancréatique +/-résection hépatique
L'avenir
TECHNIQUES ENDOSCOPIQUES
Comparaison de l'efficacité du traitement des obstructions biliaires hilaires d'origine tumorale par prothèse métallique expansible avec drainage d'un ou de deux lobes hépatiques: étude randomisée multicentrique sous l'égide de la SFED.
Stents métalliques non-couverts versus couverts dans le traitement palliatif des sténoses malignes de la voie biliaire principale : étude randomisée multicentrique sous l'égide de la SFED.
Thérapie photodynamique des cholangiocarcinomes non résécables : étude de cohorte prospective sous l'égide de la SFED, avec le Club Francophone de Thérapie Photo-Dynamique
DEMAIN...
La recherche des anomalies génétiques
Plusieurs mutations génétiques accélérant la progression de la maladie ont été mises en évidence. Il s'agit de mutations de facteurs de croissance comme le FGFR2 (pengatinib), l'IDH1 (ivosidenib), de l'HER2. Leur indentification devrait permettre l'instaurations de thérapies ciblant ces mutations
Plusieurs protocoles nouveaux font l'objet d'essais de recherche clinique ou sont en cours de validation.
Le protocole 5FU + Leucovérine™ hebdomadaire versus 5FU + Leucovérine™ + oxaliplatine (Eloxatine™) fait l’objet d’un essai thérapeutique européen (EORTC)
Le protocole gemcitabine 1000 mg/m² à J1) et oxaliplatine (100 mg/m² à J2) à raison d'un cycle toutes les deux semaines semble prometteur en termes de survie selon les résultats préliminaires d'une étude de Phase 3
Une étude comparant la gemcitabine 1000 mg/m² à J1, 8 et 15 seule à l'association la gemcitabine 1000 mg/m² à J1 et 8 plus cisplatine 25 mg/m² à J1 à raison d'un cycle toutes les trois semaines semble prometteur pour le doublet en termes de survie.
15% à 20% des tumeurs surexpriment HER2
Cette découverte récente ouvre des perceptives thérapeutiques.
Le trastuzumab deruxtecan (Enhertu™) est un anticorps monoclonal humanisé anti-HER2 conjugué à un inhibiteur de la topoisomérase I permettant d’y associer une activité cytotoxique.
Les résultats des études de Phase-II (HERB) sont très encourageants.
Les thérapies ciblées
C'est un inhibiteur du facteur de croissance des fibroblaste (FGFR).
Ce médicament s'est révélé améliorer, en termes de taux de réponse, le 10 à 16 % des patients présentant un cholangiocarcinome avec un gène de fusion FGFR2.
Il est indiqué en monothérapie pour le traitement des adultes atteints d’un cholangiocarcinome localement avancé ou métastatique avec fusion ou réarrangement du gène du récepteur 2 du facteur de croissance des fibroblastes (FGFR2), dont la maladie a progressé après au moins une ligne de traitement systémique antérieure.
La dose recommandée est de 13,5 mg de pemigatinib une fois par jour pendant 14 jours, suivie de 7 jours d’arrêt du traitement. Le traitement doit être poursuivi aussi longtemps que le patient ne présente pas de signes de progression de la maladie ou de toxicité inacceptable.
Les effets indésirables les plus fréquents sont l’hyperphosphatémie (60 %), plus rarement une hypophosphatémie, l’alopécie (50 %), la diarrhée (50 %), la toxicité unguéale, la fatigue, les nausées, la stomatite, la constipation, la dysgueusie, la sécheresse de la bouche et de la peau, des arthralgie, un syndome pieds-mains.
Le Truseltiq™ (infigratinib)
Ce médicament est un inhibiteur de la tyrosine kinase du factor de croissance des fibroblastes (FGFR1–3).
Cette petite molécule active par voie orale vient d'être homologué pour les patients présentant une maladie avancée dont la caractéristique est de présenter un réarrangement ou un gène de fusion FGFR2.
Le futibatinib (Lytgobi™)
Cette molécule présente le même mode d'action. C'est un un inhibiteur sélectif irréversible de la tyrosine kinase du FGFR1–4.
Dans une étude de Phase-II portant sur le traitement de cholangiocarcinomes intrahépatiques présentant des fusions/réarrangements du récepteur 2 du facteur de croissance des fibroblastes (Fibroblast Growth Factor Receptor 2, FGFR2), le futibatinib, a permis d’obtenir des réponses objectives fréquentes et durables.
Il vient d'être homologué aux Etats-Unis pour les formes intra-hépatiques avancées présentant un réarrangement et/ou fusion du gène FGFR2.
L'ivosidenib (Tibsovo™)
C'est un inhibiteur de l'isocitrate déshydrogénase (IDH) 1 et 2 sont codées par des gènes suppresseurs de tumeurs dont les mutations sont impliquées dans le développement des cholangiocarcinomes
L'ivosidenib vient d'être homologué aux USA pour le traitement des cholangiocarcinomes non résécables ou métastatiques avec une mutation IDH1 et ayant reçu un traitement antérieur. La posologie est de 500 mg/jour voie orale.
L'immunothérapie ciblée
L'immunothérapie avec les inhibiteurs des points de contrôle fait l'objet de recherche.
L'Imfinzi™ (durvalumab) qui est inhibiteur de PDL1 s'est révélé efficace dans le traitement des formes intra et extra-hépatiques de la maladie en augmentant la survie des patients.
APRÈS-DEMAIN…
La recherche clinique dans ce domaine est très active et de nombreuses molécules sont en cours d'évaluation pour le traitement de cette maladie. Parmi elles, on peut citer le sunitinib, le linifanib, le bevacizumab, les inhibiteurs du récepteur du facteur épidermique de croissance (EGFR) ainsi que les inhibiteurs de la mTOR.
Les autres perspectives d’avenir sont la mise en évidence de marqueurs biologiques ou histologiques, permettant de prédire la réponse et/ou la résistance primaire au traitement et donc d’adapter d’emblée au mieux la prise en charge de chaque patient selon les caractéristiques de sa tumeur.
EN RESUME
Cible |
Fréquence |
Thérapie ciblée |
---|---|---|
IDH1 |
15 % des cholangiosarcome intra-hépatiques |
Ivosidenib |
FGFR |
20 % des cholangiosarcome intra-hépatiques |
Erdafitinib ; infigratinib Lytgobi™ (futibatinib) - homologué USA Pemazyre™ (pemigatinib) - homologué |
BRAF |
5 % des cholangiosarcomes intra-hépatiques |
Dabrafenib plus trametinib; vemurafenib |
MSI-élevé ou MMR déficient |
2% des cancers des voies biliaires |
Pembrolizumab |
ERBB2 (HER2) |
15–20% cancers de la vésicule et des cholangiosarcomes extra-hépatiques |
Herceptin™ |
NTRK |
Rare |
Entrectinib; larotrectenib |
Mise à jour
3 octobre 2022