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Les molécules pro-apoptose

La mort cellulaire programmée ...

LE NOM

En grec, l’apoptose est la chute programmée des feuilles à l'automne… 
En biologie, l'apoptose c'est la mort cellulaire programmée ou le suicide cellulaire. Le phénomène d’apoptose est connu depuis plus de 150 ans. La première description, en 1972, du phénomène a été publiée par Kerr, Wyllie et Currieen (Br. J. Cancer 1972;26:239-257)
La mort cellulaire programmée désigne une mort de la cellule physiologique impliquant un processus actif sous le contrôle d’un programme codé génétiquement par la cellule elle même.
C'est un terme utilisé initialement pour décrire des cellules isolées qui meurent à un moment précis et à un lieu précis au cours du développement.

UN MÉCANISME UNIVERSEL...

Il concerne tous les types cellulaires de tous les êtres vivants...
C'est une mort cellulaire programmée, conséquence de sa destruction par des enzymes, les caspases. Les caspases sont des protéases (enzymes dégradant les protéines) normalement inactives car à l'état de pro-caspases. L'apoptose peut être la conséquence d'une infection, de maladies diverses, du vieillissement, d'accidents, ou simplement liée au développement. L'apoptose, sans inflammation, aboutit à :

  • Une fragmentation de l’ADN et du noyau
  • Une condensation de la chromatine
  • La formation de corps apoptotiques
  • Un  bourgeonnement de la membrane
  • Une réduction du volume cellulaire, puis scission de la cellule en corps apoptotiques entourés d’une membrane, absorbés par les macrophages.


La durée du processus complet
Il est estimé à environ une heure. Après son déclenchement, le point de non-retour est la perméabilisation de la membrane mitochondriale.

L'apoptose chez l’homme...

Environ 108 cellules (sur un total de1014 cellules) engagent un programme de mort cellulaire chaque jour...

CE QUI N'EST PAS L'APOPTOSE ...

UNE NÉCROSE...

La nécrose est la conséquence de traumatismes, d'infections, de poisons ou d'ischémie. Au cours de la nécrose cours, la cellule perd le contrôle de ses équilibres ioniques et se gonfle d’eau et éclate, répandant ses constituants dans le milieu ambiant. Il en résulte un afflux local de cellules et une réaction inflammatoire.

DE l'AUTOPHAGIE

C'est un processus catabolique qui se définit par la digestion par les lysosomes, des organelles cellulaires, sans fragmentation nucléaire. Ce processus peut être stimulé en conditions de stress, telles que la carence en nutriments, l’absence de facteurs de croissance, l’hypoxie et les traitements anticancéreux. Elle peut retarder l’apoptose et préserver la cellule, mais aussi conduire à la mort cellulaire.

LA SENESCENCE...

La sénescence correspond à un arrêt de la prolifération irréversible. Des cellules normales en culture ne peuvent se multiplier qu’un nombre limité de fois puis entre en sénescence.
Elle peut être induite prématurément par des signaux oncogéniques, des dommages dans l’ADN ou des conditions de culture inappropriées.

Comment se déclenche l'apoptose...

LES VOIES D'ACTIVATION

Le déclenchement de l’apoptose peut se faire par quatre voies différentes :  

  1. La voie extrinsèque, au travers des "récepteurs de mort" Fas / Fas ligand, fait intervenir des récepteurs de la membrane cellulaire, TRAIL  (Tumor-necrosis-factor Related Apoptosis Inducing Ligand)
  2. La voie de la perforine - granzyme
  3. La voie associée au p53
  4. La voie intrinsèque sous la dépendance des mitochondries (cytochrome C) qui est principalement régulée par la famille des protéines Bcl-2 (B-cell lymphoma 2) et fait intervenir des enzymes (protéase) les caspases (Cysteinyl Aspartate-cleaving proteases)

DANS LE BUT DE RÉGULER FINEMENT L’ÉQUILIBRE ENTRE NAISSANCE ET DISPARITION DES CELLULES.…

Durant le développement embryonnaire, elle permet la formation de structures, comme par exemple les espaces interdigitaux , l'élimination de structures, comme par exemple lors de la métamorphose des insecte.
Dans l'homéostasie cellulaire, l'apoptose est aussi impliquée dans le contrôle du nombre de cellules (homéostasie), l'élimination des cellules anormales, en particulier en cas de lésions de l'ADN.
Dans l'optimisation du système immunitaire, elle assure la sélection des lymphocytes T du thymus par un phénomène de sélection : positive des cellules dont le récepteur est capable de se lier aux molécules du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) et négative des cellules possédant une forte affinité avec les molécules du complexe majeur d'histocompatibilité.
Par un mécanisme de défense de l’organisme contre le cancer, les agents infectieux, l'apoptose permet l'élimination des cellules tumorales ou des cellules infectées par des pathogènes.
Elle permet l'élimination des lymphocytes en surnombre après réaction immunitaire.
Ce processus est aussi impliqué dans la création d’orifices, comme la bouche, l'anus ou le vagin.
Chez l’organisme adulte, l'apoptose permet la régression mammaire suite à l’allaitement ou le renouvellement de l’épiderme, par exemple.

EN CAS DE DYSFONCTIONNEMENT

Si cette fonction est altérée, elle entraîne, les anomalies suivantes  sur une cellule "encore normale"

  • Une accumulation cellulaire
  • Une longévité cellulaire
  • Une instabilité génomique
  • Une résistance à la surveillance immunitaire

 Sur une cellule cancéreuse elle aboutit  à :

  • Une indépendance vis à vis de facteurs de croissance cellulaire
  • L’induction d’une angiogenèse (résistance à l’hypoxie)
  • L’apparition de métastases (survie cellulaire en situation isolée)
  • La résistance aux thérapeutiques

Comment induire l'apoptose ?

Une apoptose des cellules tumorales peut, en théorie, être obtenue en interférant avec les systèmes de transduction intracellulaires, la stimulation des récepteurs de mort cellulaire, la stimulation d’enzymes comme les caspases ou l’introduction de molécules pro-apoptotiques. 
Les stratégies pro-apoptotiques utilisent les voies de la stimulation directe de facteurs pro-apoptotiques ou par l'introduction de molécules anti-apoptotiques

Les molécules ciblant la voie extrinsèque de l'apoptose

LES CIBLES ACTUELLES

Bloquer les "récepteurs de mort"
Cette voie est initiée à partir de signaux transmis par des récepteurs de membrane cellulaire. Six "récepteurs de mort" sont connus à ce jour :

  • Le CD95 (appelé aussi Fas)
  • Le TNFR1 (Tumor-Necrosis-Factor Receptor 1)
  • Le DR3 (Death-receptor 3)
  • Le DR4 appelé aussi TRAIL-R1
  • Le DR5 appelé aussi TRAIL-R2
  • Le DR6
     

 Neutraliser les les ligands
Les ligands des "récepteurs de mort" appartiennent à la super famille du TNF, comme le CD95L (ou FasL), le CD95, TNF et la lymphotoxine-a (LT-a) lient TNFR1 ou l' Apo3L lie DR3. Le TRAIL (TNF-Related Apoptosis-Inducing Ligand) ; appelé aussi Apo2L, lie DR4 et DR5. Le TRAIL et son récepteur sont impliqués dans les fonctions suivantes

  • Le système immunitaire
  • La surveillance virale
  • Le contrôle de la croissance cellulaire
  • La surveillance tumorale
  • La réponse inflammatoire
     

 LES CIBLES ACTUELLES

Le TRAIL-R1
C’est un anticorps monoclonal qui accroît la cytotoxicité du cisplatine sur des lignées résistantes de cancers de l’ovaire et la radiosensibilité des cellules de cancer du col utérin la sensibilité. Cette molécule est relativement bien tolérée et est en phase I/II de développement.

Des anticorps anti-DR4 et DR5
L’expression de DR4 semble corrélée à la survie dans le cancer du colon. Il semble donc exister un effet antitumoral, une potentialisation avec la chimiothérapie et la radiothérapie. La dose toxique n’est pas atteinte.

Des autres pistes
De très nombreux essais thérapeutiques sont en cours avec des anticorps agonistes de DR4 et de TMR-1.

LA PROTÉINE BCL2 COMME CIBLANT LA VOIE INTRINSEQUE

LE BCL2

C'est une protéine anti-apoptotique qui s'oppose à la mort cellulaire connue depuis 1985. 
Elle existe sous forme dimérique (homodimèrique : Bcl2/Bcl2 ; hétérodimèrique : Bcl2/BAX). 
Les protéines Bcl-2 agiraient en formant des homo- et hétéro-complexes, pour réguler la perméabilité de la membrane externe des mitochondries (l’ouverture ou non des pores).

LES AUTRES OPTIONS

Le gossypol et ses dérivés
Il est en phase 1 de développement. C’est une molécule dérivée d’un végétal chinois qui possède un effet apoptotique in vitro et une activité antitumorale sur des modèles de xénogreffes. L’apogossypol est un composé dérivé de synthèse aux propriétés similaires mais plus stable, plus sélectif et moins toxique.

Des molécules « antisens »
Elles sont en phase 2 et 3 pour le traitement du cancer de la prostate, des leucémies aiguës myéloïdes (LAM), les leucémies lymphoïdes chroniques (LLC) et le mélanome malin.

Des régulateurs de la transcription
Certaines molécules non spécifiques, de chimiothérapie conventionnelle, comme les taxanes, sont déjà approuvées

VENCLYXTO™ (vénétoclax)

Le navitoclax (Vencyclo™)
C'est un puissant inhibiteur de la protéine anti- apoptotique bcl2 (B-Cell Lymphoma 2) Cette protéine anti-apoptose est fréquemment sur-exprimée dans les leucémies lymphoïdes chroniques, les lymphomes folliculaires, les lymphomes diffus à grandes cellules B et lymphomes à cellules du manteau. Elle est aussi associée à des résistances à la chimiothérapie anticancéreuse.

Les indications
Il est indiqué en monothérapie dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique (LLC) :

  1. En présence de délétion 17p ou de mutation TP53 chez les patients adultes inéligibles ou en échec à un inhibiteur du récepteur antigénique des cellules B comme l’ibrutinib ou l’idelalisib
  2. En l’absence de délétion 17p ou de mutation TP53 chez les patients adultes en échec à la fois à une chimio-immunothérapie et à un inhibiteur du récepteur antigénique des cellules B.
  3. En association au rituximab, dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique (LLC) en rechute ou réfractaire après une ligne de traitement.
     

L'administration de ce médicament nécessite lors de l’initiation du traitement une grande attention car il peut être responsable d’un syndrome de lyse tumorale (SLT), survenant dans les premières heures après la première prise et pouvant entraîner une insuffisance rénale aiguë.

L’IAP ET LE SMAC COMME CIBLES POTENTIELLES...

L'IAP (Protéines Inhibitrices de l’Apoptose)

La cascade des enzymes caspases, aboutissant à l’apoptose, est sous le contrôle d’inhibiteurs endogène dénommés IAP. Ils comprennent le XIAP, le c-IAP1, le c-IAP2 et la survivine. 
Les antagonistes d’IAP sont des molécules en stimulant l’activation des caspases, induisent l’apoptose de façon indépendante du Bcl-2. Plusieurs molécules sont en développement ayant comme mode d’action cette cible.

  • Les molécules « antisenses » contre les inhibiteurs de l’apoptose
  • La survivine qui est une protéine inhibitrice de l’apoptose exprimée dans la plupart des tumeurs solides et des hémopathies malignes
  • Le XIAP
  • Des thérapies géniques vectrices de siARN, des shARN
     

 LE SMAC...

La protéine Smac/DIABOLO est un facteur de promotion de l’apoptose relargué par les mitochondries qui s’oppose au complexe des IAP. se lie aux protéines inhibitrices de l’apoptose ( IAP) et les inactive. De ce fait, la protéine SMAC/DIABLO neutralise les activités anti-apoptotiques des IAP. C’est un répresseur d’inhibiteur de caspases.
Des molécules, mimant le Smac, sont en phase 2 de développement.

Mise à jour

28 novembre 2023