help

Les inhibiteurs du protéasome

Le protéasome

LA PROTÉOLYSE* INTRACELLULAIRE EST UNE FONCTION CELLULAIRE ESSENTIELLE…

Lors de la croissance cellulaire ou de la croissance des organismes, la biosynthèse des protéines excède leur dégradation alors que dans des conditions défavorables comme le manque de nutriments, la dégradation prend le dessus. 
Les travaux des années 1950–1970 ont permis d’établir que vitesse de synthèse et vitesse de dégradation des protéines étaient la clé de leur concentration cellulaire. Les protéines individuelles sont dégradées à des vitesses très différentes avec des demi-vies variant de quelques minutes (pour certaines protéines de régulation) à quelques jours (chaîne lourde de la myosine) ou quelques mois (hémoglobine des érythrocytes). 
La dégradation cellulaire des protéines est réalisée par le système ubiquitine-protéasome (SUP) et par différentes formes de protéasomes ainsi que par le système autophagie-lysosome. Ce dernier dégrade des protéines cytosoliques et celles de grands constituants cellulaires via des compartiments, les autophagosomes, qui fusionnent avec les lysosomes. 
De fait, la majorité des protéines est dégradée par le protéasome. Des complexes protéasomes analogues en taille, forme, composition en polypeptides et activités protéolytiques ont été identifiés dans tout le règne animal. La connaissance des processus protéolytiques a été la découverte du rôle essentiel joué par une protéine très conservée de 76 acides aminés, l’ubiquitine. Cette protéine se lie à la protéine à dégrader selon un processus dépendant de l’ATP. L’élucidation du rôle de cette conjugaison à l’ubiquitine, véritable marquage des protéines en vue de leur dégradation, a valu à Irwin Rose, Aaron Ciechanover et Avram Hershko l’attribution du prix Nobel de Chimie en 2004.
Chez l'homme, le protéasome est un système protéolytique majeur, présent de manière ubiquitaire dans le noyau et le cytoplasme. Il peut représenter jusqu’à 1–2 % des protéines dans certains organes (foie, testicules). Machinerie de dégradation de plus de 80 % des protéines de courte et de longue durée de vie, il confère un caractère irréversible à certains processus biologiques. Il joue ainsi un rôle prépondérant dans le maintien de l’homéostasie des protéines et la régulation d’une très grande variété de processus physiologiques, donc dans la vie et la mort cellulaires
Le protéasome est, à l'intérieur de la cellule, un complexe d’enzymes, des protéases*, d’où le terme de protéasome. C'est une structure ancienne dans le règne animal qui est conservée depuis les archaebactéries jusqu'aux eucaryotes. 
Les cellules contiennent des millions de molécules de protéasome qui vont assurer la dégradation des protéines dont on n’a plus besoin ou des protéines abîmées ou mal conformées.
Les études en microscopie électronique ont montré que le protéasome apparaît comme une particule cylindrique d'une hauteur de 15 nm et d'un diamètre de 11 nm. Le cylindre est constitué de quatre anneaux, chacun comprenant sept sous unités protéiques. Le protéasome est composé de deux grandes unités : la particule 20 S ainsi que les unités régulatrices PA28 (11 S) ou PA700 (19 S).

 LE "SANIBROYEUR" CELLULAIRE 

Les protéines cellulaires sont détruites par deux mécanismes différents :

  1. Le système lysosomial qui détruit de 10 à 20% des protéines, essentiellement membranaires
  2. Le système du protéasome qui détruit près de 80% des protéines intracellulaires  pour tous les types des cellules. Il est impliqué dans de nombreuses fonctions physiologiques et joue un rôle central dans l’homéostasie des protéines et la régulation d’une très grande variété de processus physiologiques, donc dans la vie et la mort cellulaires.


La dégradation cellulaire des protéines est réalisée par le système ubiquitine-protéasome (SUP) et par différentes formes de protéasomes ainsi que par le système autophagie-lysosome. Ses fonctions sont d'éliminer les protéines anormales ou surnuméraires, de contribuer à la maturation de précurseurs en protéines biologiquement actives, et pourvoir à l’approvisionnement en peptides antigéniques les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH).
En outre, le protéasome assure la destruction nécessaire et réglée de nombreuses protéines contrôlant des processus biologiques aussi importants que la prolifération, la différenciation, l’apoptose et la réponse aux stimulus extracellulaires. C'est, de fait,  le "sanibroyeur cellulaire" dont la finalité est de recycler les protéines inutiles contenues dans le cytoplasme des cellules. Il permet l’élimination des déchets protéiques.

INHIBER L'ACTIVITE DU PROTEASOME...

Une inhibition du protéasome entraine un blocage des cellules tumorales dans le cycle cellulaire ce qui va réduire la prolifération cellulaire en provoquant une accumulation de protéines « anormales » ce qui va induire une apoptose des cellules.
 

 

* * Destruction des protéines en leurs éléments constitutifs, qui est assurée dans la cellule vivante par des enzymes dites protéolytiques
** Une protéase (ou peptidase) est une enzyme qui coupe les liaisons peptidiques des protéines. Elle permet de séparer deux acides aminés en cassant les liaisons peptidiques entre un atome de carbone et un atome d'azote au sein des protéines. 

L'ubiquitine ou l'étiquette de la mort ...

UN PRIX NOBEL DE CHIMIE ...

En 2004, le Prix Nobel de chimie a été attribué à A. Ciechanover (1947 - ), A. Hershko (1937 -) et à I. Rose (1926 - 2015), pour leurs travaux sur le rôle de l'ubiquitine dans les systèmes de dégradation des protéines. Ces chercheurs se sont penchés sur les mécanismes qui permettent la dégradation des protéines du cytoplasme de la cellule quand elles sont "hors d'usage".
A la fin des années 70, un système de protéolyse non lysosomal et consommant de l’ATP avait été identifié, sans attirer l'intérêt des scientifiques. À cette époque, A. Hershko, A. Ciechanover, I. Rose et leurs collègues découvrirent un petit polypeptide, alors appelé APF-1 pour 
ATP-dependent proteolytic factor 1 dont la conjugaison à d’autres protéines déclenchait leur dégradation. Très rapidement, il fut établi que APF-1 était identique à une molécule déjà décrite et appelée ubiquitine.

TAGUER LES MAUVAISES PROTÉINES… 

L'ubiquitine 
C'est une petite protéine de 76 acides aminés présente dans toutes les cellules des eucaryotes. Sa structure est très bien conservée parmi les différentes espèces d'eucaryotes ; l'ubiquitine humaine et celle d'une levure partagent 96 % de l'identité de leur séquence !
Au travers d’une cascade enzymatique comprenant trois étapes, l’ubiquitine est activée, conjuguée, puis finalement liée par son extrémité C-terminale à la protéine cible. Les enzymes E1, E2, E3 impliquées dans ce processus sont cruciales, mais c’est surtout l’ubiquitine ligase E3 qui permet une spécificité dans le choix de la cible protéique.

L'ubiquitinylation 
Elle représente la fixation d'ubiquitine sur une protéine, c'est-à-dire lui poser" l'étiquette de la mort"....
Sa fonction principale est de marquer les protéines inutiles en vue de leur destruction par protéolyse. Plusieurs molécules d'ubiquitine s'attachent à la protéine condamnée (polyubiquitination) et le tout se déplace ensuite vers un protéasome dans lequel la protéolyse se déroule. Ceci a pour conséquence la reconnaissance puis la destruction de la protéine marquée par le complexe protéolytique du protéasome. La protéine une fois détruite, l’ubiquitine est relarguée dans la cellule.
L'ubiquitine peut également marquer des protéines transmembranaires (par exemple, des récepteurs) pour les ôter de la membrane. 

LE SYSTÈME UBIQUITINE-PROTÉASOME

OBJECTIF : LA DESTRUCTION DES PROTEINES

Il est responsable de la dégradation de la majorité des protéines intracellulaires.
Il participe ainsi à la régulation du niveau d'expression de protéines impliquées dans le cycle cellulaire et la mort cellulaire programmée ou apoptose.
Le système ubiquitine–protéasome joue ainsi un rôle central dans la régulation de ces deux processus fondamentaux cellulaire.
Une dérégulation du protéasome est ainsi susceptible de participer à l'oncogenèse.

AU TOTAL

Dans les cellules eucaryotes, la voie de dégradation des protéines dépendante de l’ubiquitine est la voie principale de dégradation non lysosomale. Deux événements séquentiels de reconnaissance la caractérisent :

  • L’étiquetage par un polymère d’ubiquitine des substrats destinés à être dégradés, par l’intermédiaire d’une cascade de réactions enzymatiques
  • La reconnaissance puis la dégradation protéolytique des substrats poly-ubiquitinés par le protéasome

POURQUOI INHIBER LE PROTÉASOME ?

EXPÉRIMENTALEMENT

Le protéasome est nécessaire à la survie de toute cellule mais les cellules tumorales apparaissent beaucoup plus sensibles que les cellules saines à son inhibition et qu'une dérégulation du protéasome procure un avantage compétitif aux cellules tumorales. L'activité accrue du protéasome dans les cellules tumorales semble participer à la résistance à l'apoptose qui est une caractéristique commune à la plupart des tumeurs malignes.

INHIBER LE PROTEASOME...

Expérimentalement, l’inhibition pharmacologique du protéasome induit, in vitro , la mort des cellules tumorales car le protéasome est nécessaire à la survie de toutes les cellules, y compris les cellules tumorales qui sont encore plus sensibles que les cellules saines à son inhibition.
L'inhibition du protéasome induit in vitro la mort des cellules tumorales. Son rôle est d’inhiber la voie ubiquitine-protéasome en se liant directement aux sites actifs du protéasome, ce qui perturbe la protéolyse protéique ciblée.
L'inhibition spécifique du protéasome bloque la progression des cellules tumorales dans le cycle cellulaire et diminue ainsi la prolifération cellulaire. De plus, en régulant négativement l'expression d'inhibiteurs d'apoptose, il contribue a accélérer la mort des cellules tumorales.

DANS LE CAS DU MYELOME MULTIPLE

La sensibilité des cellules myélomateuses aux inhibiteurs de protéasome est la conséquence de leur grande dépendance vis-à-vis du système de "contrôle de qualité" des protéines. Les protéines sécrétoires et membranaires mal conformées passent du réticulum endoplasmique au cytosol où elles sont dégradées par le protéasome. De plus, le renouvellement des immunoglobulines anormales est très élevé. Dans ce contexte, les inhibiteurs du protéasome augmentant le nombre de protéines à dégrader, l’accumulation de protéines mal conformées ou dépliées conduit à un stress du réticulum endoplasmique et éventuellement à la mort cellulaire. 
Du fait de l’implication du protéasome dans un grand nombre de processus biologiques, son inhibition a aussi de multiples effets sur la toxicité cellulaire : diminution de la prolifération cellulaire et induction d’apoptose, arrêt du cycle cellulaire, déficit des mécanismes de réparation de l’ADN et altération du métabolisme cellulaire.

LE BORTEZOMIB (VELCADE™)

SON MODE D'ACTION

Initialement, cette molécule devait être utilisée dans le traitement de l’inflammation et de la cachexie. A la fin des années 1990, lorsque son activité anticancéreuse a été établie, son développement en oncologie a été accéléré.
Des études expérimentales ont confirmé que Velcade™, en altérant la stabilité ou l'activité de ces protéines impliquées dans le cycle cellulaire, induit l'apoptose des cellules myélomateuses malignes, et semble épargner les cellules normales.

Cette propriété générale devrait permettre l’utilisation de ce médicament dans d’autres maladies du sang, en particulier pour le traitement des lymphomes à cellules du manteau.

SON UTILISATION PRATIQUE

Le bortezomib est indiqué :

  • En association au melphalan et à la prédnisone pour le traitement du myélome multiple non traité au préalable, non éligibles à la chimiothérapie intensive accompagnée d’une greffe de moelle osseuse
  • En monothérapie pour le traitement du myélome multiple en progression chez des patients ayant reçu au moins un traitement antérieur et qui ont déjà bénéficié ou qui sont inéligibles pour une greffe de moelle osseuse. 


Le médicament s’administre par voie intraveineuse. La dose de départ est de 1,3 mg/m². Le cycle de chimiothérapie comprend une administration deux fois par semaine, trois semaines sur quatre.
Sa tolérance est, en général, correcte. Les principaux effets indésirables sont de la diarrhée, survenant dans les 24 heures suivant l’administration, de la fatigue, de la fièvre et une hypotension orthostatique.
Une neuropathie sensitive, parfois douloureuse, surtout présente chez les patients ayant reçu antérieurement des médicaments neurotoxiques, comme le thalidomide se voit chez un patient sur deux. Elle s'atténue dans la plupart des cas dans les 3 mois. Dans les autres cas, une réduction de dose peut être envisagée.

LE CARFILZOMIB (Kyprolis™)

Comme le bortézomib, c'est un inhibiteur irréversible du protéasome de nouvelle génération, actif par voie injectable sur les lignées de cellules myélomateuses résistantes.
Il est utilisé par voie intraveineuse 2 jours consécutifs par semaine par cycles de 3 semaines, suivis d’une semaine d’arrêt. Il a démontré son efficacité en Phase 3 de développement en association avec le Revlimid™  et la dexaméthasone. De plus, il permet d’obtenir des réponses chez les malades réfractaires et déjà lourdement traités.

Le Kyprolis™ (carfilozomib) est homologué pour le traitement du myélome multiple en association avec le lénalidomide et la dexaméthasone pour des patients ayant reçu au moins un traitement antérieur.
Il est administré en perfusion intraveineuse de 10 minutes, pendant deux jours consécutifs chaque semaine pendant trois semaines (soit J1, 2,J 8, 9, J15 et 16), suivies d’une période de repos sans traitement de 12 jours (J17 à J28). Chaque période de 28 jours constitue un cycle de traitement.
Il semble avoir une moindre toxicité neurologique.

L'ixazomib (Ninlaro™)

L'ixazomib (Ninlaro™) est le premier et le seul inhibiteur du protéasome oral homologué. Il se présente sous forme de gélules contenant 2,3 mg, 3 mg ou 4 mg d'ixazomib. 
Il  est indiqué en association avec le lénalidomide et la dexaméthasone dans le traitement du myélome multiple chez les patients ayant reçu au moins un traitement antérieur.
La dose initiale est de 4 mg, administrée par voie orale une fois par semaine, les Jours 1, 8 et 15 d'un cycle de traitement de 28 jours. 
La dose initiale de lénalidomide est de 25 mg, administrée une fois par jour, de J1 à J 21 d'un cycle de traitement de 28 jours. La dose initiale de dexaméthasone est de 40 mg, administrée à J1, 8, 15 et 22 d'un cycle de traitement de 28 jours.
Le traitement doit être poursuivi jusqu'à la progression de la maladie ou jusqu’à la survenue d'une toxicité inacceptable.
La tolérance est acceptable, néanmoins on peut observer, une baisse du nombre des plaquettes sanguines, des nausées/vomissements, des neuropathies périphériques, des œdèmes ou des réactions cutanées.

D'autres inhibiteurs du protéasome en développment

LES NOUVELLES GÉNÉRATIONS

De nouvelles molécules, appartenant à cette classe thérapeutique, sont en recherche clinique.
Elles ont pour objectifs d'être, plus performantes en cas de résistance au Velcade™ , d'être moins neurotoxiques, de ne pas interférer avec la prise de vitamine C et de certains autres compléments alimentaires et d'être actives par voie orale.

L’ÉTAT DES LIEUX...

Parmi, les molécules les plus avancées en développement clinique ont peut citer :

  • Le marizomib, actif par voie IV, est en Phase 2 de développement pour le traitement des myélomes réfractaires ou en rechute
  • Le delanzomib actif par voie injectable et orale, est en Phase 2
  • L'oprozomib actif par voie orale et est en phase 3 de développement

Mise à jour

29 novembre 2023