help

Les facteurs de croissance cellulaire

Rita-Montalcinni et S. Cohen, Prix Nobel de médecine en 1986...

LA DÉCOUVERTE

Rita Levi-Montalcini, neurologue et biochimiste italienne (1909-2013) a constaté, en transplantant des tumeurs de souris à des embryons de poussins, que la croissance du système nerveux, en particulier celle des nerfs sensoriels et sympathiques, était accélérée. Elle a ainsi pu montrer que la tumeur libérait une substance stimulant la croissance de certains types de nerfs. Ce facteur de croissance des nerfs a été, de ce fait, dénommé NGF (Nerve Growth Factor).
En 1956, Stanley Cohen (1922 - 2020), biochimiste américain, extrait et purifie ce facteur de croissance, à partir de tumeurs de souris.
La découverte des facteurs de croissance cellulaire a été récompensée, en 1986, par l’attribution du Prix Nobel de Médecine et de Physiologie à Rita Levi-Montalcini, et à Stanley Cohen.

LES FACTEURS DE CROISSANCE

On appelle « facteurs de croissance » des protéines sécrétées dans le milieu extracellulaire et activant la croissance et la multiplication cellulaires. Il en existe de nombreux types, la plupart ayant été découverts fortuitement dans des tumeurs.

Les récepteurs des facteurs de croissance cellulaire

DES PROTÉINES DE LA PAROI CELLULAIRE

Ce sont des protéines fichées dans la membrane extérieure des cellules, d’où leur nom de récepteurs membranaires.
Un récepteur est une sorte de serrure dans laquelle une clé de contact spécifique, appelée ligand, permet de mettre en marche la cellule.

Ces récepteurs membranaires ont pour fonction de transmettre et d’amplifier les signaux reçus de l’extérieur. Ces récepteurs membranaires ont des structures variables.

DES RÉCEPTEURS À TYROSINE KINASE 

Ce sont des protéines transmembranaires exposant du côté extracellulaire un domaine de liaison à un facteur de croissance et possédant au niveau intracellulaire une activité catalytique de phosphorylation de résidus tyrosine de protéines.
Leur activation résulte de leur dimérisation, qui permet, par un rapprochement adéquat des deux domaines tyrosine kinase, une autophosphorylation croisée de résidus tyrosine situés du côté C-terminal.
Ces résidus tyrosine phosphate constituent en soi un message : ils sont reconnus par des protéines dotées de domaines spécialisés (domaines SH2) qui activent alors diverses voies de signalisation.


 

LA TRANSDUCTION

LES FACTEURS DE CROISSANCE AGISSANT VIA UN RÉCEPTEUR MEMBRANAIRE

Il existe deux types principaux de récepteurs membranaires différents :les récepteurs à Tyrosine Kinase qui s'auto-active une fois ligand fixé sur un récepteur et les récepteurs liés aux protéines G, ces facteurs produisent un message secondaire (AMPc, IP3, DAG).
Tous les signaux issus des récepteurs membranaires induisent des enzymes cytoplasmiques: "sitch kinases" qui stimulent, en phosphorylant des acteurs du cycle cellulaire.

 LES FACTEURS DE CROISSANCE POSSÉDANT UN RÉCEPTEUR INTRA-CELLULAIRE

Dans ce cas, il s'agit, par exemple, des hormones lipophiles qui traversent la membrane mais qui doivent avoir un récepteur cytoplasmique (pour les hormones stéroïdiennes) ou nucléaire (pour les hormones thyroïdiennes). Ces récepteurs agissent sur le génome directement.

Les récepteurs des facteurs de croissance cellulaire & cancer…

Lorsque des mutations surviennent dans la structure des facteurs de croissance ou de leurs récepteurs, on peut assister à un dérèglement de la multiplication cellulaire pouvant aboutir à un cancer.
Ces altérations peuvent être quantitatives en cas de surexpression du gène souvent due à son amplification. Elles peuvent qualitatives comme, par exemple, en cas de mutations activatrices.

 

La famille des récepteurs membranaires HER (Human Epidermal Growth Factor Receptor)

LEURS FONCTIONS PHYSIOLOGIQUES

L’EGFR est un récepteur transmembranaire exprimé par de nombreuses cellules normales, dans lesquelles il participe, notamment, à la différenciation épithéliale.
Le facteur de croissance épidermique (EGF - Epidermal Growth Factor) fut initialement isolé de l'urine, d’où sa dénomination initiale de ß-urogastrone. Par la suite, il fut reconnu comme un inhibiteur de la sécrétion des sucs gastrique.
L’EGF  fait partie d’une famille de facteurs de croissance impliqués dans le développement normal de la peau, du cœur, des poumons, du système nerveux et du sein.

QUATRE TYPES DE RÉCEPTEURS

Chimiquement, le récepteur est un peptide de 170 kilodaltons* (kD) comportant 53 acides aminés et trois ponts disulfures. Il est dérivé d'une protéine précurseur le pré-pro-EGF.
Il agit par l'intermédiaire d'un récepteur membranaire à activité tyrosine-kinase. Quatre types de récepteurs du facteur de croissance épidermique HER ou ErbB sont connus :

  1. HER1 (EGFR1 ou Erb-B1), identifié en 1978 et cloné en 1984, est activé par de très nombreux ligands
  2. HER2 (EGFR2 ou c-erbB2 ou HER2/neu)  est un proto-oncogène qui se situe sur le chromosome 17q, cloné en 1985, code pour une protéine qui est un récepteur transmembranaire avec une activité tyrosine kinase, pour lequel il n’y a pas de ligand connu, d’où son surnom " le sourd" . C'est un membre de la famille des récepteurs EGF fonctionnant essentiellement comme un corécepteur.
  3. HER3 (c-erb-B3 ), cloné en 1989, ne possède qu’une très faible activité kinase, ce qui l’a fait surnommer "le muet"
  4. HER4 (c-erb-B4), cloné en 1993 pour lequel il existe de nombreux ligands identifiés 
     

  LEUR MODE D'ACTION 

L’activation des récepteurs par un ligand (epidermal growth factor [EGF] ou transforming growth factor α [TGFα]) entraîne une homodimérisation ou une hétérodimérisation (avec Her2 essentiellement) suivie d’une autophosphorylation du domaine TKI.
Cette réaction chimique active les voies de signalisation responsables de la prolifération (ras/raf/MAP kinase, jak-stat) et de la survie cellulaires (PI3kinase, Akt).

 

* Le dalton (Da) est une unité de masse utilisée en physique et en chimie. Il est défini comme 1 / 12 de la masse d'un non lié atome neutre du carbone-12 dans son nucléaire et électronique état fondamental et au repos. Cette unité n'appartient pas au Système international, mais son usage est accepté avec lui. 

L’expression et la surexpression des récepteurs membranaires HER ou EGF

L'EXPRESSION DES RÉCEPTEURS

De très nombreuses recherches ont permis la caractérisation précise des récepteurs favorisant la croissance cellulaire des cellules cancéreuses. Ces récepteurs sont impliqués dans l’oncogenèse de nombreuses tumeurs solides et semblent dans un certain nombre de cas leur conférer, un avantage sélectif en termes de croissance, d’invasion et de production de métastases.

LA SUR-EXPRESSION & L'ADDICTION ONCOGENIQUE

Dans de nombreux cancers, les cellules malignes présentent un grand nombre de ces récepteurs. On dit alors que ces récepteurs sont surexprimés dans ce cas, la cellule tumorale peut développer une "addiction" au facteur de croissance, c'est-à-dire qu'elle en est dépendante pour sa survie. Dans ce cas, le bloquer devient une cible pour détruire la cellule cancéreuse. 
Le récepteur de l'EGF est surexprimé dans la plupart des cancers épithéliaux, en particulier, épidermoïdes, comme l’indique le tableau ci-dessous. 
 

 

Forte Moindre

Tumeurs ORL : > 90 %
Poumon : 40 à 80 %
Glioblastome (tumeur du cerveau) > 70 %
Vessie : 40 à 70 %
Prostate : 40 à 80 %
Pancréas : 30 à 50 %

Sein : 30 %
Col de l’utérus : 25 à 30 %
Colorectal : 25 à 77 %
Estomac : 10 à 33 %

  

Une surexpression de certains sous-types est observée, par exemple, en cas de certains cancers :

  • De la vessie : surexpression du récepteur EGFR, HER2 et HER3
  • Du sein : environ 20 % ont une surexpression du récepteur EGFR, et HER2 
     

 UNE ARME THERAPEUTIQUE...

Les chercheurs ont montré qu’en inhibant l'activité de ces récepteurs spécifiques aux cellules tumorales, on peut bloquer la transmission du signal au noyau et ainsi empêcher la prolifération des cellules cancéreuses.
Par ailleurs, la surexpression des récepteurs à la tyrosine kinase a une valeur pronostique dans certains types de cancers.

L'EGFR COMME "CIBLE"

Le ciblage d’EGFR par des anticorps monoclonaux ou de petites molécules, inhibitrices de tyrosine kinase (ITK), permet de bloquer plusieurs voies d’aval de transduction dans la cellule cancéreuse, comme :

  1. La voie des MAP (Mitogen-Activated Proteins) kinases
  2. La voie PI3K-AKT-mTOR
  3. La voie Jak-STAT.

Les autres récepteurs de facteurs de croissances connus

LES RÉCEPTEURS À UNE CHAÎNE D'ACIDES AMINÉS

Les facteurs de croissance dérivés des plaquettes PDGF (Platelet Derived Growth Factor) stimulent le récepteur du facteur plaquettaire de croissance PDGFR, SCFR, FLT, KDR. Le facteur de croissance CSF (Colony Stimulating Factor) est exprimé par l'oncogène c-fms.

LES RÉCEPTEURS À DEUX CHAINES D'ACIDES AMINÉS

Ils sont constitués de quatre sous-unité, dimériques. On distingue :

  1. Le facteur de croissance de l’insuline et son récepteur, IGFR ,
  2. Le facteur de croissance des cellules du foie (hépatocytes) ou HGF (Hepatocyte Growth Factor) qui est exprimé à partir de l'oncogène c-Met
  3. Le facteur de croissance des fibroblastes, FGF qui est le ligand de 4 types différents de récepteurs
  4. Le récepteur du facteur vasculaire de croissance, VEGFR a pour ligand le VEGF. Ce facteur de croissance est impliqué dans l’angiogenèse, c’est-à-dire la production de vaisseaux et dans les phénomènes de cicatrisation

 

LES CAS du FGF

Le facteur de croissance des fibroblastes (FGF) est actif via des récepteurs FGF (FGFR1–4). Il contrôle le développement fœtal et contribue à l'homéostasie des tissus et du corps, mais peut également favoriser la tumorigenèse. 
Divers agents, comme les inhibiteurs pan-FGFR (erdafitinib et futibatinib), les inhibiteurs spécifiques ciblant le FGFR1/2/3 (infigratinib et pemigatinib), ainsi que de nouveaux médicaments plus spécifiques, ont été mis au point et dont plusieurs sont homologués.
L'erdafitinib est approuvé pour le traitement du carcinome urothélial en cas d’une d’une altération FGFR2/3. Le futibatinib et le pemigatinib sont approuvés pour le traitement des cholangiocarcinomes porteurs de  fusions et/ou de réarrangements FGFR2. 
Le bénéfice clinique de ces agents est en partie limité par le risque d'hyperphosphatémie due à l'inhibition hors cible de FGFR1 ainsi qu'à l'émergence de mutations de résistance dans les gènes FGFR, à l'activation des voies de signalisation de dérivation, aux altérations concomitantes  de TP53.

Une thérapeutique ciblée sur....

  1. Une anomalie moléculaire causale : la protéine BCR-ABL dans la leucémie myéloïde chronique (LMC) ou les tumeurs stromales digestives (GIST)
  2. Une anomalie moléculaire tardive (addiction) : la surexpression HER2 ou du VEGF
  3. Une anomalie moléculaire sans rôle direct la transformation maligne : anti-CD20 - rituximab

Quelques exemples de médicaments homologués ciblant les récepteurs de la famille HER...

Molécules

Indications

Anticorps monoclonaux (actifs par voie injectable - IV ou sc)

Cetuximab (Erbitux™)

Cancer colorectal métastatique KRAS "sauvage" (non muté)
Cancers ORL

Panitumumab (Vectibix)

Cancer colorectal métastatique KRAS "sauvage"

Trastuzumab (Herceptin™)

Cancer du sein Her2+
Cancer de l’estomac Her2+

Les inhibiteurs de tyrosine kinase (actifs par voie orale)

Lapatinib (Tyverb™)

Cancer du sein métastatique Her2+

Gefitinib (Iressa™)

Cancer bronchique non à petites cellules métastatique EGFR muté

Erlotinib (Tarceva™)

Cancer bronchique non à petites cellules métastatique EGFR muté
Cancer du pancréas

Afatinib (Griotrif™)

Cancer bronchique non à petites cellules métastatique EGFR muté

Axitinib (Inlyta™)

Cancer du rein métastatique

Pazopanib (Votrient™)

Cancer du rein métastatique
Sarcomes des tissus mous

Inhibiteur ALK, Ros, MET (actif par voie orale)

Crizotinib (Xalkori™)

Cancer bronchique non à petites cellules métastatique

 

Rappel du code d'écriture

Le gène toujours en italique

La protéine toujours en écriture normale produite sous son impulsion du gène…

La lettre précédant le gène "c " pour cellule et "v" pour virus.

Exemples

  • Le gène c-erbB1 (ERythroblastic leukemia viral B1), code pour la protéine erbB1 ou HER1/neu
  • Le gène c-erbB2 code pour la protéine erbB2 ou HER2/neu

Mise à jour

13 septembre 2022