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Les antipyrimidiques

Les caractéristiques de la classe en bref...

Les analogues des bases pyrimidiniques, utilisés comme médicaments anticancéreux, sont le 5-fluoro-uracile, la cytarabine et la gemcitabine.
Les principales toxicités de cette famille de médicaments sont le risque de myélosuppression, une atteinte hépatique, la mucite, de neuropathie et des troubles digestifs, en particulier de diarrhée associée parfois à des nausées. Exceptionnellement, des troubles cardiaques peuvent être rencontrés. L’effet secondaire caractéristique de cette famille est le syndrome main-pieds qui disparaît à l’arrêt, même transitoire du médicament.

LA CYTARABINE (ARACYTINE™, CYTARBEL™, génériques)

LA MOLECULE
En 1955, Werner Bergmann, professeur à l'université de Yale isole des nucléosides de thymine et d'uracile à partir d'éponge de Floride, Cryptotethia crypta. Les nucléosides isolés serviront par la suite de modèle afin de préparer des composés antimétabolites.
La cytarabine est synthétisée en 1959 par les chimistes Walwick, W Roberts et C. Dekker de l'université de Californie. En 1960, Pfizer et Cohen de l'université de Pennsylvanie ont évalué son activité métabolique sur la bactérie E. coli, concluant que le nucléoside synthétique inhibait le métabolisme des nucléosides.
La cytarabine ou cytosine arabinoside ou Ara-C, est l'analogue structural de la 2’-déoxycytidine qui s’incorpore dans l’ADN. Ce faux ADN inhibe, alors, la synthèse d’autres molécules d’ADN en bloquant l’activité d’une enzyme, l’ADN polymérase.

EN PRATIQUE
La cytarabine est l'antimétabolite le plus utilisé dans le traitement des leucémies aiguës myéloïdes et lymphoblastiques. Elle est active par voie intraveineuse. est  utilisée en association avec une anthracycline à la dose 100 mg/m²/j pendant 7 à 10 jours ou 200 mg/m²/j (protocole 5 + 7 jours). La posologie est variable

  • Traitement d'induction : en perfusion continue 2 à 4 mg/kg/jour pendant dix jours consécutifs ou en perfusion intermittente 3 à 5 mg/kg/j pendant cinq jours consécutifs puis abstention thérapeutique pendant 2 à 9 jours et nouvelle cure jusqu'à réponse thérapeutique.
  • Traitement d'entretien : 1 mg/kg par voie intraveineuse ou sous-cutanée, une ou deux fois par semaine.


Les effets indésirables attendus sont de la fièvre, des problèmes dermatologiques ou nerveux.

LE 5-FLUOROURACILE OU 5-FU

SA DÉCOUVERTE
Ce médicament, très utilisé en cancérologie et fait partie de plus de 60 % des protocoles de chimiothérapie.
Sa mise au point, à l’inverse de la plupart des premiers médicaments de chimiothérapie, est le fruit d’une recherche systématique. L’origine de la découverte remonte à 1957. A cette époque, Charles Heidelberger (1920 - 1983), de l’université de Wisconsin (USA) avait observé que les rats présentant un cancer du foie utilisaient plus rapidement l’uracile, base de la structure de l’ARN, au niveau de la tumeur que dans les tissus sains Il a étudié la toxicité de l'atome de fluor dans l'acide fluoracétique et découvert que celui-ci bloquait une enzyme vitale pour le métabolisme cellulaire. Heidelberger voulut alors incorporer cet atome dans les pyrimidines, formant les bases de l'ADN et collabora avec la firme Hoffmann-La Roche, qui synthétisa le fluorouracile en 1957. cette molécule contenait un atome de fluor(F) sur le carbone en position 5 (5-F), d'où son nom, 5-fluorouracile (5-FU).

SON MODE D'ACTION
Il agit principalement en phase "S" du cycle cellulaire. Le 5-fluorouracile se substitue à l'uracile, constituant essentiel des acides nucléiques ADN et ARN.
Le 5-fluorouracile est transformé, par l’organisme, en 5-fluoro-2’-déoxyuridine-monophosphate (FdUMP), 5-fluoro-2’-déoxyuridine-triphosphate (FdUTP) et en fluorouridine-triphosphate (FUTP). Ces métabolites bloquent la synthèse de l’ARN et inhibent une enzyme, la thymidylate synthétase, qui, en retour, bloque la synthèse de la thymidine, à partir de l’uracile. Seul le 5FdUMP est inhibiteur de la thymidilate synthétase.

SON UTILISATION
Ce médicament est actif par voie intraveineuse. Il existe de très nombreuses modalités d’utilisation et de protocoles.
Il est principalement indiqué pour le traitement des 

  • Cancers colorectaux après résection en situation adjuvante.
  • Cancers du sein après traitement locorégional ou lors des rechutes.
  • Adénocarcinomes ovariens.
  • Carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures et œsophagiennes.


FU-FOL
Dans les protocoles de chimiothérapie, le 5-FU est souvent associé à de l’acide folinique (Elvorine™, Folioral™, Lederfoline™, Ostofolate™). Cette combinaison majore fortement la cytotoxicité du 5-FU vis-à-vis des cellules tumorales, en générant du 5,10-méthylène tétrahydrofolate puissamment cytotoxique.

SES EFFETS SECONDAIRES
Les principaux effets indésirables rencontrés sont une cardiotoxicité en cas de perfusion continue ou de l'utilisation de fortes doses  concerne 2 à 8 % des malades, principalement en présence d’une cardiopathie préalable, un syndrome mains-pieds et de la mucite.

Les analogues oraux du 5-FU

TEGAFUR/URACILE (UFT™)
C’est une association fixe . Elle est associe un précurseur du 5-FU,  le ftorafur (FTO), et de l’uracile (U) dans un rapport 1/4. Ce précurseur, est appelé « prodrogue » car, pour être actif, il doit être transformé par l’organisme en 5-FU. De ce fait, l’efficacité du 5-FU est augmentée sans que majorer sa toxicité.
L’UFT™ est actif par voie orale et est homologué pour le traitement de première ligne des cancers du côlon métastatiques.
Il est prescrit à raison de trois prises quotidiennes en association avec l’acide folinique. Le cycle de traitement est de 4 semaines, suivi d’une semaine de repos.

CAPECITABINE (XELODA™ & GÉNÉRIQUES)
C’est aussi une prodrogue de 5-fluorouracile. Elle remplace l’association 5-FU + acide folinique. Elle est active par voie orale et indiquée dans le traitement :

  • De première ligne dans le traitement du cancer gastrique avancé
  • En traitement adjuvant du cancer du côlon de stade III après résection et en première ligne en monothérapie dans le traitement du cancer colorectal métastatique
  • En monothérapie ou en association au docétaxel dans le traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique

La dose recommandée est de 1000 mg/m² deux fois par jour pendant 14 jours, suivie d’une période sans traitement de 7 jours. La première dose de capécitabine est administrée le soir du jour 1 et la dernière dose le matin du jour 15.
Les principales toxicités sont de la diarrhée, un syndrome pied-main et un état de fatigue.

C'est une association fixe de trifluridine et de tipiracil active par voie orale.
Lorsque le médicament pénètre dans les cellules cancéreuses, la trifluridine est phosphorylée par la thymidine kinase, puis métabolisée au sein de la cellule en un substrat de l’acide désoxyribonucléique (ADN), et ensuite directement incorporée dans l’ADN, interfèrant ainsi avec les fonctions de l’ADN, de façon à bloquer la prolifération des cellules cancéreuses.
Comme la trifluridine est rapidement dégradée par l'ATPase et facilement métabolisée par un effet de premier passage après administration orale, elle doit être associée au tipiracil, inhibiteur de ATPase.
Lonsurf™ est indiqué pour le traitement du cancer colorectal métastatique en seconde ligne.
La dose initiale recommandée est 35 mg/m²/dose administrée à raison de 2 administrations par jour : prise aux Jours 1 à 5 puis arrêt aux Jours 6 et 7 puis prise aux Jours 8 à 12 puis arrêt aux jours 13 à 28 de chaque cycle de traitement (1 cycle de traitement = 28 jours).

La recherche d’un déficit en DPD en cas d'une chimiothérapie intégrant des fluoropyrimidines...

Déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD)
L’activité de la DPD est dose-limitante dans le catabolisme du 5-fluorouracile (voir rubrique 5.2). Les patients présentant un déficit en DPD sont par conséquent exposés à un risque accru d’effets indésirables liés aux fluoropyrimidines, notamment, par exemple : stomatite, diarrhées, inflammation des muqueuses, neutropénie et neurotoxicité. Les effets indésirables liés à un déficit en DPD surviennent généralement au cours du premier cycle de traitement ou après une augmentation de la posologie.
Le déficit complet en DPD est rare (0,01 à 0,5 % de la population caucasienne). Les patients présentant un déficit complet en DPD sont exposés à un risque élevé d’effets indésirables engageant le pronostic vital ou d’évolution fatale et ne doivent pas être traités par ce type de médicaments. Entre 3 et 9 % de la population caucasienne présenterait un déficit partiel en DPD et ont exposés à un risque accru d’effets indésirables graves et engageant potentiellement le pronostic vital. Une dose initiale réduite devra être envisagée pour limiter ces effets indésirables. 

Les nouvelles recommandations
L’Institut national du cancer (INCa) et la Haute Autorité de Santé (HAS) ont recommandé la recherche du déficit en enzyme dihydro-pyrimidine-deshydrogénase (DPD) qui transforme le 5-FU en dihydro-5-FU inactif, par la mesure de l’uracilémie.
Si l'uracilémie supérieure ou égale à 150 ng/ml, le traitement par fluoropyrimidines est contre-indiqué. Si elle est  comprise entre 16 ng/ml et 150 ng/ml (déficit partiel en DPD), la posologie initiale doit être adaptée (index 1,5 = 75% de dose; index 1 = 50% de dose). Un réajustement thérapeutique doit être envisagé dès le deuxième cycle de chimiothérapie en fonction de la tolérance au traitement et/ou du suivi thérapeutique pharmacologique. 

LA GEMCITABINE (GEMZAR™ & GENERIQUES)

LA MOLÉCULE
C’est un antimétabolite de seconde génération qui est un analogue fluoré et phosphorylé de la déoxycytidine.
La gemcitabine est une prodrogue qui nécessite pour être active d'être phosphorylée en gemcitabine triphosphate (difluoro-déoxy-cytidine ou dFdC, très proche de la cytosine arabinoside Ara-C).
La gemcitabine pénètre dans la cellule à travers la membrane plasmique par diffusion facilitée par des transporteurs nucléosidiques spécifiques appelés human equilibrative nucleoside transporter (hENT) ou human concentrative nucleoside transporter (hCNT) , dont le principal est hENT1. Un déficit en hENT1 est responsable d'une résistance à la gemcitabine C’est la
Ce médicament, phase spécifique, agit en phase S de synthèse de l’ADN, au cours du cycle cellulaire. Il bloque, aussi, le passage en phase G1.

EN PRATIQUE
La gemcitabine est indiquée dans le traitement :

  • Du cancer de la vessie localement avancé ou métastatique, en association avec le cisplatine.
  • De l'adénocarcinome du pancréas localement avancé ou métastatique.
  • En association avec le cisplatine, en première ligne du cancer bronchique non à petites cellules localement avancé ou métastatique et en monothérapie chez les patients âgés ou chez ceux ayant un indice de performance de 2.
  • Du carcinome épithélial de l'ovaire localement avancé ou métastatique, en rechute, en association avec le carboplatine
  • En association avec le paclitaxel, dans le cancer du sein inopérable, localement récidivant ou métastatique, en rechute après une chimiothérapie adjuvante/néo adjuvante.


C’est un médicament relativement bien toléré, en dehors d’un état de fatigue et d’une diminution des globules rouges (anémie) et globules blancs (neutropénie) et des plaquettes (thrombopénie). Il n’entraîne pas de chute de cheveux et n’induit que peu de nausées ou de vomissements.
Il peut être observé, plus rarement, des perturbations hépatiques et des états pseudo-grippaux lors des injections.
Il faut savoir, que ce médicament ne peut pas être utilisé en même temps que la radiothérapie.

Mise à jour

17 décembre 2023