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De la fatigue

QUELQUES DÉFINITIONS…

LA FATIGUE OU L’ASTHÉNIE
En cancérologie, on utilise indifféremment le terme de fatigue ou asthénie. C'est une sensation subjective d'épuisement physique, émotionnel ou cognitif en relation avec la maladie et/ou ses traitements qui n'est pas proportionnelle à une activité physique récente, qui ne cède pas au repos et qui interfère avec les gestes de la vie quotidienne.

  1. L'asthénie physique prédomine généralement le soir ou en fin d’après-midi
  2. L'asthénie psychique est plus marquée, en général, le matin et est souvent accompagnée de symptômes de type dépressifs.

 LA DÉSADAPTATION A L'EFFORT
La désadaptation à l’effort, ou déconditionnement, est la diminution des capacités physiques et/ou psychologiques qui affecte la vie quotidienne et  résulte d’une inactivité prolongée.

Un témoignage de patient...

 ... « La fatigue est partout   

La fatigue dure toute la journée ; c’est peiner toute la journée
La fatigue, ce n’est pas si grave ; personne ne voit qu’on est fatigué ; être fatigué, c’est faire semblant de rien ; être fatigué, c’est soupirer en cachette
Être fatigué, c’est dire à quelqu’un ce qu’il sait déjà
Être fatigué, c’est beaucoup dormir et … se réveiller fatigué ; la fatigue ne cesse jamais
On ne parle pas de la fatigue »...

Un patient...

Comment la fatigue nous affecte-t-elle ?

 

Dimension Caractéristiques
Physique

Manque d’endurance, besoin accru de repos
Manque d’énergie avec baisse de l’activité physique et sexuelle
Diminution de l’autonomie
Difficulté à remplir son rôle dans la famille et le travail

Émotionnelle

Etat dépressif
Manque de courage et de combativité 

Cognitive

Difficultés à se concentrer, à mémoriser, à raisonner
Perturbations dans les relations interpersonnelles (altération de la maîtrise de soi, difficulté à intégrer des informations, risque d’accident)

Incapacité à se ressourcer
Survenue plus tardive par rapport à la fatigue physique et régression plus progressive
Plus importante et durable chez la personne âgée et à un stade avancé de la maladie

 

 

C’EST TRÈS FRÉQUENT…

La fatigue est l’effet secondaire le plus fréquemment rencontré chez les patients atteints de cancer. Sa prévalence varie de 30 à 100 % selon la tumeur, le stade de la maladie et le traitement.
De 80 à 100 % des malades sous chimiothérapie et de 30 à 90 % des patients ayant eu une radiothérapie, souffrent de fatigue. Selon une enquête récente, la prévalence et la durée de la fatigue sont :

  • Chaque jour : 52 % ressentie par 33 % des femmes et 22 % des hommes
  • Quelques jours par semaine : 25 %
  • Pratiquement jamais : 25 %


C'est un état durable car environ 30 % de survivants d’un cancer rapportent une « asthénie » (épuisement physique et psychologique) qui a du mal à s'estomper avec le temps.

Fatigue aiguë ou chronique ?

 

  Aiguë Chronique
Fonction Protectrice Non ?
Cause Identifiable Multifactorielle
Perception Normale, attendue, localisée Anormale, disproportionnée, généralisée
Durée Courte Longue, des semaines
Impact sur qualité de vie Minimal Majeure

 

La fatigue selon les phases du cancer

Les spécialistes décrivent plusieurs types de fatigues associés au cancer :

  • La « fatigue annonciatrice » du cancer, anormale et quine s'améliore pas avec le temps
  • La fatigue engendrée par l’annonce du diagnostic qui est accompagnée de stress et d'anxiété
  • La fatigue liée aux traitements et à leur lourdeur chez 30 à 60 % des patients
  • La fatigue persistante et à distance des traitements souvent handicapante et inquiétante car pouvant être considérée comme une preuve d'une rechute. On estime que 25 à 30 % des patients se plaignent d'un certain degré de facteur au-delà de la première année suivant la fin du traitement.


C'est une fatigue variable en sévérité et dans le temps et inhabituelle qui peut se prolonger sur des semaines voire des mois. Elle ne s'améliore pas avec le repos ou le sommeil.
Elle souvent associée à un sentiment de manque d’énergie, d’épuisement physique et psychique, de faiblesse, de lassitude (asthénie), de difficultés d ’attention et de concentration (fonctions cognitives).

LES CAUSES

Elles sont multiples et parmi les plus communes, on peut citer :

  • L'anémie par déperdition ou dysmétabolisme du fer
  • Les traitements : chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie
  • La douleur
  • La dépression ou l'état émotionnel du moment
  • Les troubles du sommeil
  • La malnutrition
  • L'existence d'un syndrome inflammatoire chronique
  • Une insuffisance des fonctions essentielles organiques : insuffisance cardiaque, respiratoire, rénale, hépatique, ...
  • Les causes endocriniennes : diabète, insuffisance thyroïdienne, insuffisance surrénalienne, ...

En fait, les spécialistes s'accordent sur le fait que la sensation de fatigue est la résultante de l'effort réclamé à l’organisme pour lutter contre la maladie et les effets secondaires des traitements employés pour la guérir ou la contrôler.

Critères ICD 10 en faveur d'une fatigue liée au cancer

 

Critères ICD10
(s ou au moins 5 critères)

Un des symptômes suivants s’est produit tous les jours ou presque tous les jours pendant une période de deux semaines au cours du mois dernier :

  1. Fatigue importante
  2. Diminution de l’énergie
  3. Augmentation du besoin de repos sans rapport avec une modification récente du niveau d’activité

Plus au moins 5 des éléments suivants :

  1. Plainte de faiblesse généralisée ou de lourdeur des jambes    
  2. Diminution de la concentration ou de l’attention    
  3. Diminution de la motivation ou de l’intérêt pour les activités habituelles    
  4. Insomnie ou besoin excessif de sommeil    
  5. Sommeil ressenti comme ni revigorant ni réparateur 
  6. Sensation qu’il faut faire un gros effort pour surmonter l’inactivité    
  7. Réaction émotionnelle inhabituelle à la sensation de fatigue ; fatigue empêchant de remplir les tâches quotidiennes    
  8. Problème de mémoire à court terme    
  9. Fatigue ressentie après un effort dure au moins deux heures

 

La fatigue associée aux traitements...

LA CHIRURGIE
La fatigue est surtout sensible la première semaine postopératoire. Elle est parfois intense mais est de courte durée. Elle disparait, le plus souvent, après 3 mois.

LA RADIOTHÉRAPIE EXTERNE
C'est un effet systémique de ce type de traitement qui est en relation avec la zone traitée et l'intensité de l’irradiation reçue. De plus, elle est aggravée par les transports répétitifs liés aux séances 5 fois par semaine. Habituellement elle est plus importante en fin de semaine et à tendance a régresser le week-end.
Elle se traduit par une baisse progressive des forces et de l’endurance à laquelle s'associe, en fin de traitement, une diminution des facultés de concentration, des pertes de mémoire, ...

LES TRAITEMENTS SYSTÉMIQUES

La chimiothérapie
La fatigue évolue en plusieurs phases. Elle apparait dans les 2 à 3 jours qui suivent l’administration des médicaments avec un un pic vers le cinquième jour, souvent avant le nadir (point le plus bas des globules blancs et/ou rouges). Elle régresse ensuite jusqu’au cycle suivant.
Elle est cumulative avec le nombre de cycles et varie selon le protocole, les effets indésirables associés, la durée et votre attitude par rapport au traitement.

L'hormonothérapie
Chez l’homme elle apparaît après 3 mois d’hormonothérapie. Elle s'associe souvent à une détresse psychologique et à la baisse de la virilité.
Chez la femme, c'est la prise de poids qui en est un des moteurs.

Les traitements ciblés
Pour ces nouvelles thérapies, les mécanismes impliqués dans la fatigue sont à mettre au compte d'une dysthyroïdie, d'altérations de la fonction cardiaque mais aussi des diarrhées, souvent persistantes et contrariant la vie sociale.
La fatigue est plus volontiers associée aux anti VEGF : sunitinib (Sutent™), sorafenib (Nexavar™), pazopanib (Votrient™) et aux inhibiteurs de mTOR : everolimus (Afinitor™) et temsirolimus (Torisel™).

L'immunothérapie
Cela concerne les inhibiteurs des points de contrôle (anticorps monoclonaux anti-CTLA4, ipilimumab (Yervoy™) ; anti-PD(L)1 : nivolumab (Opdivo™), pembrolizumab (Keytruda™), etc. La fatigue, pour ces traitements, est plutôt à mettre au compte des endocrinopathies (hypohysite, hypothyroïdie, insuffisance surrénalienne), d'une hépatite auto-immune ou une colite inflammatoire ; effets secondaires spécifiques à cette classe de médicaments.

Que faire pour éviter la fatigue ?

DES MESURES SIMPLES…
Bien qu'il soit souvent impossible d'éviter complètement la fatigue, il existe des mesures simples que vous pouvez prendre pour réduire la sensation de fatigue. Voici quelques suggestions tirées de notre expérience :

  • Exécutez les gestes quotidiens de soins corporels assis, comme le rasage, le brossage des dents et le coiffage. Demandez de l'aide, si possible, pour économiser vos forces.
  • Programmez les tâches quotidiennes nécessaires tout au long de la journée au lieu de les réaliser à la suite.
  • Prévoyez des périodes de repos au cours de la journée afin de réserver de l'énergie pour les choses importantes
  • Faites des petites siestes mais faites attention, cependant, de ne pas dormir trop longtemps afin de garder du sommeil pour la nuit ! Mettez un réveil...
  • Adoptez une alimentation équilibrée pour accélérer la guérison
    • Consommez des aliments riches en protéines
    • Prenez des petits repas espacés au cours de la journée plutôt que deux gros repas. En procédant ainsi, vous pouvez augmenter vote consommation de calories.
    • Maintenez votre consommation de liquides tout en prenant soin de ne pas compenser la prise d'aliments plus nutritifs au profit des liquides
    • Interrogez l'équipe médicale sur l'intérêt de la prise de compléments alimentaires car, hormis le fait qu'ils sont assez coûteux, il provoquent assez souvent des diarrhées.
       

SI VOUS CONTINUEZ DE TRAVAILLER…
Allégez votre emploi du temps autant que possible, durant les traitements et discutez, avec l’équipe de soin, de votre plan de traitement et ses effets prévisibles sur votre performance au travail. Si un impact significatif est à prévoir, dans ce cas, ayez une discussion avec votre supérieur direct avant de commencer le traitement.
Diminuez le nombre d'heures de travail, si possible, prenez des jours de congé la semaine où vous recevez le traitement.
Dans la mesure du possible, prévoyez vos traitements quotidiens tôt le matin avant d'aller travailler ou tard dans l'après-midi après le travail. Si le traitement est administré tôt dans la journée, garder à l'esprit que le pic de fatigue se situe environ deux heures après le traitement. Évitez de programmer des affaires importantes au moment du pic de fatigue.
Si possible, profitez des périodes de pause ou de déjeuner pour vous reposer.
Assurez-vous de manger correctement et vérifiez que votre alimentation est appropriée pour aider à la guérison et diminuer la fatigue.

Les propositions des sociétés savantes...

 

Recommandations

ASCO 2014

ESMO 2020

NCCN 2020

Fortement recommandées

Activité physique
Thérapie cognitive-comportementale
Education

 

Activité physique
Yoga
Thérapie cognitive-comportementale
Education
Approches basées sur la pleine conscience
Massage
Thérapies expressives
Thérapie ciblant le sommeil

Recommandées

 

Activité physique
Education

 

Options

Approches basées sur la pleine conscience
Yoga
Acupuncture

Approches basées sur la pleine conscience
Yoga (après-traitements)

Consultation de nutrition
Thérapies expressives
Thérapie ciblant le sommeil
Luminothérapie

Données insuffisantes

Thérapies biofield
Massage
Thérapies musicales
Relaxation
Reiki
Qi-Gong

Acupuncture

 

 

Une anémie est présente chez plus de la moitié des patients...

L’anémie  
Elle 
est définie par une diminution de l’hémoglobine (Hb) inférieure à un seuil limite qui varie en fonction de l’âge et du sexe. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a fixé ce seuil à 120 g/L pour les femmes non enceintes et 130 g/L pour les hommes.
Une anémie, présente chez plus de 50 % des patients et est à l'origine d'une altération de la qualité de vie tant sur le plan physique, que psychique et que socio-professionnel.
Elle se traduit par un état de fatigue, de faiblesse et parfois de somnolence. Elle a une incidence psychologique non négligeable et peut s'accompagner de troubles de la mémoire. Par ailleurs, elle est à l'origine de défaillance d'importantes fonctions vitales, détresse respiratoire, décompensation cardiaque, par exemple.

Son traitement
L'équipe soignante, avant tout traitement, recherchera le mécanisme de l’anémie et, si possible, entreprendra un traitement pour en guérir la cause (traitement dit étiologique). De plus, facteur important, elle évaluera le retentissement et la rapidité d’apparition de l'anémie.Une alimentation normale apporte en moyenne dix fois plus de fer (10 à 20 mg/j) que ne le permet l’absorption intestinale (environ 1 à 2 mg/j).
Une anémie par carence martiale est due à une déplétion des réserves en fer de l’organisme. Normalement, il y a environ 4 g de fer dans l’organisme dont 70 % sont contenus dans l’hémoglobine.
Le traitement substitutif repose sur l’apport de sels de fer, par voie orale :

  • Sulfate ferreux : Fero-Grad™ (+ Vit C), Tardyféron™ (+ Vit C), Tardyféron™ (+ acide folique - B9
  • Fumarate ferreux : Fumafer™, Ferrostrane™ (sirop), Ferriprox™ et génériques). 

La dose est en moyenne de 150 à 200 mg/jour de fer métal, en prise fractionnée et au décours des repas, afin d’en améliorer sa tolérance digestive. Un apport supplémentaire de 500 mg vitamine C (acide ascorbique) peut augmenter l'absorption du fer.Le critère d’arrêt du traitement compensateur est la normalisation de la ferritinémie. L’inconvénient principal du traitement par voie orale est sa relative mauvaise tolérance digestive. Il peut engendrer des douleurs abdominales, des nausées, des épigastralgies, des épisodes de constipation ou de diarrhée et, enfin, des selles noires. Par voie veineuse, l'apport de fer peut ^^etre fait grâce :

  • Les complexes d’hydroxyde ferrique–saccharose : Vénofer™ et Fer Mylan™, 100 mg par ampoule
  • Les complexes d’hydroxyde ferrique–dextran : Ferristat™. 100 à 200 mg par ampoule
  • Le carboxymaltose ferrique (Ferinject™, 100 à 1000 mg par injection) ainsi que d’autres spécialités en cours d’homologation comme le ferumoxytol (Feraheme™), 510 mg par injection ; fer) et l’isomaltoside (Monofer™), 100 à 1000 mg par injection.


La voie IV est indiquée en cas de malabsorption digestive, de pertes sanguines non contrôlables, d’intolérance ou de non-adhérence au traitement martial par voie orale.
L'administration IV s’accompagne d’une coloration rouge des urines et parfois d’un goût métallique.
Les nouvelles spécialités ont un risque d’anaphylaxie bien moindre (0,002 % d’anaphylaxie fatale), une durée d’injection intraveineuse plus courte et une dose injectable maximale possible par perfusion plus importante.

L’érythropoïétine (EPO)
C'est une hormone naturelle secrétée par le rein qui stimule la production de globules rouges. Plusieurs EPO sont à la disponibilité de votre oncologue mais dont les indications sont très restreintes maintenant :

  • Eprex™ : 40 000 U par semaine
  • NéoRecormon™ : 30 000 U par semaine
  • Aranesp™ : 500 µg toutes les 3 semaines
  • Les biosimilaires, comme, par exemple, le Binocrit™, l'Abseamed TM , le Retacrit TM 


L'EPO est administrée sous forme d'injections intraveineuses ou sous-cutanées. Si la quantité de fer contenue dans le sang est basse (saturation de la transferrine < 20%), on pourra associer du fer. Au bout de 2 semaines, dès que le taux de l’hémoglobine augmente de 1 g/l, la dose sera diminuée pour obtenir des valeurs supérieures à 10 g/l.

Les transfusions
Les transfusions sanguines ne sont indiquées que lorsqu’il existe des signes de mauvaise tolérance de l’anémie.

Mise à jour

15 décembre 2023