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Le dépistage

La mortalité imputable au cancer du poumon est en partie liée à un diagnostic tardif...

Une étude publiée* en 2022, a présenté une analyse de la distribution des stades TNM à l'initiation des traitements des cancers du poumon. Elle a mis en évidence une prépondérance des stades métastatiques, près de 60 % par rapport aux stades localisés ce qui a des implications fortes, du fait que le pronostic est totalement différent dans ces deux niveaux d'évaluation de la maladie. Au stade I, le taux de survie globale à cinq ans est de plus de 80 %, tandis qu'au stade III localement avancé il varie de de 13 % à 36 %. Au stade IV le taux de survie est de à moins de 10 %.

 

* Annals of Oncology 2 April 2022

 

Cancers du poumon

Les méthodes évaluées

DES EXAMENS SIMPLES
Il existe, en théorie deux méthodes simples pouvant contribuer au dépistage du cancer du poumon :
  • Le dépistage par radiographie thoracique chez des sujets fortement exposés au tabac a été évalué dans plusieurs essais, sans montrer de réduction de la mortalité et n’est donc pas actuellement recommandé.
  • L’analyse des cellules (analyse cytologique) contenues dans les crachats n'a ni la sensibilité ni la spécificité nécessaires. 
     
 L'APPORT DU SCANNER SPIRALÉ

Le scanner hélicoïdal multi-barrettes (scanner à rotation continue)

A ces deux méthodes simples, on peut ajouter un dépistage par une association radiographie pulmonaire et un scanner spiralé utilisant de très faibles quantités de rayons.
Cette technique permet de repérer la taille et la localisation des anomalies ou nodules, même de très petite taille, inférieure ou égale à 3 millimètres. En revanche, cet examen ne donne aucune indication sur la nature des lésions repérées. Seul un prélèvement type biopsie peut dire si l’anomalie est de nature cancéreuse ou non.
De nombreuses études ont été menées sur ce sujet comme, l’étude japonaise et l’étude Nord Américaine ELCAP pour « Early Lung Cancer Action Project » pour tenter de répondre à cette interrogation.
 
Cette étude, publiée en 2006 (NEJM 2006;355:1763-71) , a porté sur 31 567 sujets asymptomatiques à risque qui ont été suivis grâce à un scanner thoracique à faible dose, répété 7 à 18 mois après en cas de normalité au premier examen.
Un diagnostic de cancer du poumon a été porté chez 484 sujets, dont 412 (85 %) étaient des  cancers de stade I, avec une survie estimée à 88 % dans ce groupe.
 
L'étude NLST (National Lung Screening Trial)
Les résultats de cette étude ont été publiés en 2011 dans même journal. C'est étude a porté sur 53 456 gros fumeurs âgés entre 55 et 74 ans recrutés entre 2002 et 2004. Chez ces sujets, on a comparé les résultats obtenus en réalisant soit 3 examens par scanner spiralé à faible dose, soit 3 clichés radiographiques standards.
Les résultats montrent que le scanner détecte beaucoup plus d'anomalies mais la plupart d'entre-elles n'étaient pas des cancers. Les cancers détectés se répartissaient de la façon suivante :
  • Dans le groupe "scanner" : 645 cancers pour 100 000 personnes/années, soit 1060 cancers (92,5 % au stade IA ou IB)
  • Dans le groupe "radio standard" : 572 cancers pour 100 000 personnes/années, soit 941 cancers (87,5 % au stade IA ou IB)
     
Cette différence en termes de détection est de 6,7 % (intervalle de confiance 95 % de 1,2 à 13,6 %) et se traduit, pour les malades détectés, par une réduction de la mortalité de 13 % (intervalle de confiance 95 % de 3 à 23 %).
 
C'est l'étude de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPFL), de la Société Française de Radiologie (SFR) associées à l’INSERM. Cette étude suivra 20 000 fumeurs ou ex-fumeurs des deux sexes âgés de plus de 50 ans pendant 5 ans. Elle comparera l’efficacité du dépistage soit par la radiographie pulmonaire simple soit par le scanner thoracique.
Les résultats préliminaires de l’étude pilote montrent que cette méthode permet de détecter 8 cancers sur 336 scanners à faible dose contre un seul sur 285 radios du thorax (0,35 %) mais aussi 45 % de nodules non-calcifiés en scanner contre 7 % sur les radios du poumon.
 
LES PROBLÈMES NON RÉSOLUS
Près de 90 % des anomalies détectées sur un scanner ne sont pas cancéreuses et la gestion des faux positifs est particulièrement difficile.

Ce qu’il en ressort, aujourd’hui …

DES RÉSULTATS CONTRADICTOIRES

Souvent des études non probantes…

À ce jour, parmi les sept essais randomisés de dépistage du cancer pulmonaire chez les grands fumeurs, seul l’essai américain NLST a montré une diminution significative de la mortalité. Il n'est actuellement pas possible de faire des recommandations précises, car il n’existe aucun examen simple validé de diagnostic.
Une tentative de dépistage systématique par des radiographies thoraciques répétées tous les 4 mois chez les gros fumeurs de plus de 45 ans a permis de dépister de petites tumeurs généralement opérables mais n'a pas entraîné de modifications en terme de survie.
Trois études, couplant la recherche de cellules tumorales dans les crachats associée à des radiographies pulmonaires, n’ont pas prouvé leur efficacité en matière de dépistage.

Des résultats intéressants avec ELCAP et l'étude japonaise

Les résultats de l’étude ELCAP et de l’étude japonaise présentés dans le tableau ci-dessous, vont dans le même sens et semblent en faveur d’un dépistage chez les sujets à haut risque. Ils montrent que ces techniques permettent de détecter des cancers à leur début donc de bien meilleur pronostic.
Le revers de la médaille est que le nombre de malades détectés est très faible, même dans les populations dites à haut risque.

Le résultats des études de dépistage publiées

 

 

 

Etude Enseignements
ELCAP
  • 31 567 fumeurs > 40 ans
  • Scanner + examen des crachats
  • 484 cancers dépistés soit 1,5 % :  412 au stade IA soit 85 % et 88 % en vie à 10 ans
Étude japonaise
  • 1 611 fumeurs de 40 à 80 ans
  • Radio pulmonaire ou scanner spiralé + examen des crachats
  • 14 cancers diagnostiqués lors de la sélection 22 cancers dépistés soit 1,4 % dont 80 % au stade IA
NSLT
  • 53 456 gros fumeurs de 55 et 74 ans
  • 3 examens par scanner spiralé à faible dose ou 3 clichés radiographiques standards
  • Groupe "scanner" : 1060 cancers vs. groupe "radio standard" :  941 cancers
  • Réduction de la mortalité de 13 % (intervalle de confiance 95 de 3 à 23 %) dans le groupe "scanner"

NELSON

(2020)

  • 13 195 hommes et 2 594 femmes âgés de 50 à 74 ans
  • Scanner des poumons à T0, années 1, 3, et 5 ou absence de screening -
  • Suivi minimum de 10 ans
  • 2.1 % de nodules suspects
  • Réduction de la mortalité sans augmentation importante des examens complémentaires sur des lésions suspectes
  • Nombre de sujets à dépister pour diminuer un décès par cancer du poumon à 10 ans est de 135 (Intervalle de Confiance 95 % 76–532)

 

 

  •  

Résultats des études de dépistage par scanner thoracique à faible dose d’irradiation

 

 

Étude

Dante

ITALUNG

NLST

NELSON

MILD

LUSI

Pays

Italie

Italie

États-Unis

Belgique; Pays Bas

Italie

Allemagne


vs. contrôle

1276
1196

1613
1593

26723
26733

7915
7907

1186
1723

2029
2023

Hommes

100 %

65 %

59 %

84 %

 

65 %

Tabac

45 %

40 %

48 %

39 %

39 %

80 %

Médiane de suivi

8,3 ans

9,3 ans

11,3 ans

8,1 ans

6,2 ans

8,9 ans

Réduction mortalité globale

HR 0,95
NS

RR 0,83

 NS

RR 0,97
NS

RR 1,01
NS

HR 0,80
NS

HR = 0,99
NS

Réduction mortalité spécifique

HR 0,993 NS

RR 0,70

 NS

RR 0,92
p=0.05

H: RR 0,76
p=0.01
F : RR 0,67
NS

HR 0,61
p=0.01

HR =0,74
NS
F : HR 0,31
 0.05

Stades I et II ( %)

57

48

70

71

63

80

QUE FAUT-IL EN PENSER ?

SI ON EXTRAPOLE LES RÉSULTATS DE L'ÉTUDE ELCAP...

La probabilité de dépister un cancer du poumon asymptomatique
Elle dépend de votre âge de la quantité de tabac fumé (paquets/années) ainsi que du temps de sevrage éventuel.
Cette probabilité va de 0,5 % pour une personne de 60 ans ayant fumé 10 paquets/an et sevré depuis 20 ans à 6,8 % pour un fumeur de 85 ans non sevré et ayant fumé 100 paquets/an.

La probabilité de dépister un cancer au stade précoce
Elle est de 85 %, c'est-à-dire que l'on peut détecter beaucoup de cancer aux stades I. De ce fait, la probabilité que le cancer soit curable est alors de 92 %.
Si l'on prend en compte les deux paramètres précédents, la probabilité qu’un cancer détecté par un scanner de dépistage soit curable est donc de 78 % (intervalle de confiance de 85 à 92 %).

La probabilité de ne pas mourir d’autres causes avant le possible décès par un cancer pulmonaire qui pourrait être détecté par un dépistage précoce
Cette probabilité va de 98 % pour un patient de 60 ans à 10 paquets/an sevré depuis 20 ans à 37 % pour un patient de 85 ans, fumeur à 100 paquet/an.

Probabilité d’un bénéfice en termes de survie
C’est le produit des probabilités présentées précédemment. Ce pourcentage diminue avec l’âge car, si la probabilité de diagnostiquer un cancer du poumon augmente avec l’âge, le risque de décéder d’autres causes augmente aussi !
Le dépistage radiographique est probablement possible mais déjà à une phase tardive de la maladie.

QU'EN PENSER ?

Il faut se souvenir qu’avec un seuil de détection de 1 cm, on met en évidence des tumeurs correspondant au 30ème temps de doublement de cellules tumorales.
De ce fait, un tel dépistage serait plus pertinent pour les tumeurs à évolution rapide, alors que les petites tumeurs, de découverte fortuite d'évolution plus lente et de meilleur pronostic, il le serait moins.

Le dépistage par scanner spiralé serait plus performant mais, aussi, de coût beaucoup plus élevé.
On peut penser que dans les années à venir des nouvelles techniques, telle la tomographie par émission de positrons (TEP) devrait permettre de détecter des tumeurs à un stade beaucoup plus précoce. Cette technique devrait permettre de diagnostiquer des tumeurs d’1 cm. 

 

@ Pour plus de détails allez au chapitre   Imagerie Médicale .

Les recommandations françaises* concernant le dépistage individuel

Un dépistage individuel doit être proposé, après information et en l’absence de critères d’exclusion : à partir de 50 ans chez les fumeurs actifs ou sevrés depuis moins de 10 ans et ayant fumé plus de 15 cigarettes/jour pendant 25 ans ou plus de 10 cigarettes/jour pendant plus de 30 ans. L’âge limite supérieur de l’entrée dans le dépistage est de 74 ans
Le dépistage peut être poursuivi pour une période minimale d’au moins 5 à 10 ans
Dans l’état actuel des connaissances et en l’absence de personnalisation du risque, il est recommandé de ne pas dépasser un intervalle de 2 ans entre examens TDM
Il semble raisonnable de proposer 2 examens TDM espacés à 1 an puis un examen tous les 2 ans chez les sujets ayant les 2 premiers examens négatifs et lorsqu’il n’y a pas de facteurs de risque de CP autre que le tabac (dont la présence d’emphysème ou un antécédent de BPCO) ; le dépistage restera annuel en présence de facteurs de risques et/ou d’examens antérieurs avec un résultat intermédiaire
Une information précise doit être donnée à propos de l’intérêt du dépistage, des risques (dont le sur-diagnostique) et du sevrage tabagique

 

* Revue des Maladies Respiratoires - Volume 38, Issue 3, March 2021, Pages 310-325

La pertinence d'un dépistage organisé en France ?

Actuellement, pas de dépistage organisé pour la population générale
Le comité d'experts français en faveur d'un dépistage ciblé sur certaines populations
(fumeurs âgés de 55 à 74 ans qui ont fumé au moins 30 paquets-année ou sont anciens fumeurs de moins de 15 ans)

Les cellules cancéreuses circulantes (CTC)

Afin d’identifier les "CTC", un test sanguin "ISET " (Isolation by Size of Tumor cells) a été récemment expérimenté et à permis d'identifier un cancer chez des patients souffrant de bronchite chronique et à haut risque de développer un cancer du poumon.
L'intérêt global n'est, à ce jour, loin d'être certain.

Mise à jour

14 janvier 2023