help

Les cancers épidermoïdes (spino-cellulaires)

Autres cancers de la peau
Autres cancers de la peau

Leur nouveau nom : carcinomes épidermoïdes cutanés

AVANT PROPOS

Ils sont plus rares que les cancers basocellulaires. Ils sont potentiellement agressifs avec possibilité de métastases ganglionnaires ou à distance, d'où l'importance d'un diagnostic précoce.
Le facteur de risque majeur principal est le soleil, cependant, pour certaines localisations génitales et périanales, le rôle de certains Papillomavirus (HPV) est essentiel.
L’incidence augmente avec l’âge et un pic de fréquence vers 70 ans. Il affecte surtout les personnes âgées et les immunodéprimés.
L’homme est plus souvent touché (3 hommes pour 1 femme).

ÉPIDÉMIOLOGIE

Ils représentent environ 20 % des cancers cutanés. En France, son incidence annuelle pour 100 000, est :

  • Chez l’homme : entre 10 à 20 nouveaux cas
  • Chez la femme : entre 5 à 10 nouveaux cas
Mélanomes

Les facteurs de risque

LE SOLEIL

L’exposition solaire cumulative est le principal facteur causal des carcinomes épidermoïdes. De ce fait, le risque de développer un cancer épidermoïde repose principalement sur deux facteurs :

  1. La dose cumulative d’exposition solaire
  2. Le phototype, c’est-à-dire, les sujets à peau claire
     

Il faut savoir que l'’utilisation chronique et répétée des PUVA et UVA est associée à ce type de cancers.

L'IMMUNODÉPRESSION

Elle est associée à une augmentation des épithéliomas et à leur sévérité. Ceci est surtout observé après une greffe rénale ou cardiaque. Chez ces patients, le carcinome épidermoïde est le cancer cutané le plus fréquent.
En règle générale, la fréquence augmente avec la durée de l’immunosuppression et le degré d’exposition solaire.

LES PAPILLOMAVIRUS (HPV)

Chez le sujet immunocompétent, le rôle des Papillomavirus (HPV) oncogènes est impliqué dans la genèse des cancers épidermoïdes des muqueuses, comme les cancers du col de l’utérus et de l’anus.
Une étude récente a retrouvé un lien entre la présence d'anticorps anti-HPV et le risque de carcinome spinocellulaire. Le lien se renforce en fonction du nombre de β-papillomavirus détectés.

LA MALADIE DE BOWEN

C'est un carcinome épidermoïde intra-épithélial (in situ) , c'est-à-dire non encore invasif.
Elle apparait vers l'âge de 70 ans et touche principalement les femmes.
Les localisations génitales sont associées fortement à la présence de Papillomavirus (HPV).
La progression vers un carcinome invasif se traduit cliniquement par l’apparition sur le placard plan d’une tumeur souvent ulcérée. La fréquence de cette progression n’est pas connue avec précision.

LA KÉRATOSE ACTINIQUE

C'est une dysplasie épidermique associée à une exposition UV chronique. Sa prévalence est estimée à 11 - 25 % chez l’adulte de plus de 40 ans et augmente avec l'âge, en particulier chez les sujets à peau claire,
Cette maladie est considérée comme une lésion précancéreuse avec un faible potentiel de transformation maligne et un fort potentiel de régression spontanée mais est considérée comme un précurseur de cancer épidermoïde.
Les modalités possibles de traitement sont la cryothérapie , les médicaments topiques (5-fluoro-uracile - en crème, imiquimod, diclofénac) et la photothérapie dynamique.

LES AUTRES FACTEURS

Les expositions professionnelles à certains toxiques peuvent être reconnues en maladies professionnelles , comme l'exposition :

  • Aux goudrons de houille (tableaux RG16bis, RA 35bis)
  • À l’arsenic, thérapeutique autrefois; actuellement professionnelle (tableaux RA 10 et RG 20)
     

De plus, ces cancers peuvent se développer.

  • Sur une cicatrice, surtout de brûlure parfois sur une plaie chronique comme un ulcère de jambe
  • Après une irradiation, thérapeutique, souvent plusieurs années après radiothérapie ou chez les radiologues
     

Enfin, la consommation de tabac augmente le risque.

Les maladies rares ci-dessous sont connues pour être un facteur prédisposant au développement de ce type de cancers

Points importants : prévenir...

  1. Protéger la peau avec vêtements et écrans lors des activités à l’extérieur
  2. Rester le plus possible à l’ombre à la mi-journée (de 11 à 15h)
  3. Porter un chapeau à larges bords à l’extérieur
  4. Eviter l’utilisation des lits, lampes et cabines de bronzage
  5. Utiliser un écran solaire ne permet pas d’augmenter la durée d’exposition

Les signes et le diagnostic

LE RECHERCHER SUR UNE LÉSION PRÉEXISTANTE PRÈ-CANCÈREUSE

SUR LA PEAU

Les kératoses photo-induites, kératoses actiniques ou solaires ou séniles sont les lésions précancéreuses les plus fréquentes. Elles peuvent régresser spontanément ou évoluer en un authentique cancer épidermoïde (CE). Il existe un continuum entre la kératose actinique, le CE in situ et le CE invasif.
Elles siègent sur les zones photo-exposées, comme le visage et le dos des mains. Elles se présentent sous l'aspect de lésions croûteuses souvent multiples, plus ou moins érythémateuses, qui saignent facilement après grattage.

SUR UNE MUQUEUSE OU UNE DEMI-MUQUEUSE*

Les leucoplasies
Elles résultent d’un phénomène de kératinisation de la muqueuse buccale, en particulier de la lèvre inférieure. La cause la plus fréquente est l'association d'une consommation de tabac et d'une exposition au soleil.
Ce sont des lésions blanchâtres bien limitées, asymptomatiques, adhérentes et ne saignant pas au contact. Leur traitement est la destruction par la chirurgie, l'électrocoagulation ou la vaporisation au laser à CO2. L’arrêt du tabac s'impose alors.

Certains états inflammatoires chroniques muqueux rares
Ils peuvent se transformer avec une relative fréquence. Il peut s'agir d'un lichen scléreux génital, d'un lichen érosif buccal.

COMMENT SE PRÉSENTE-T-IL, CLINIQUEMENT ?

On le trouve surtout sur le dessus du nez, sur le front, sur la lèvre inférieure et sur les mains. L'aspect clinique est variable. Il peut s’agir d’une lésion :

  1. Croûteuse rebelle,
  2. Bourgeonnante,
  3. Verruqueuse inflammatoire
  4. Ulcérée infiltrante, forme la plus fréquente.
     

Les lésions muqueuses sont plus rapidement évolutives et invasives.

 

* Zone de transition entre la peau et une muqueuse (bord rouge des lèvres ou le gland du pénis). L'épiderme y est mince et transparent, peu kératinisé. Les formations pilaires et les glandes sudorales sont absentes. Quelques glandes sébacées peuvent être retrouvées.

Les valeurs de T, N, M

 

Tumeur
(T)
Ganglions lymphatiques régionaux (N) Métastases à distance
(M)

TX : la tumeur primitive ne peut être évaluée
T0 : pas de tumeur primitive identifiable
Tis : carcinome in situ
T1 : < 2 cm dans sa plus grande dimension
T2 : 2 cm ≤ T ≤ 5 cm dans sa plus grande dimension
T3 :  > 5 cm dans sa plus grande dimension
T4 : tumeur envahissant les structures profondes : cartilage, os ou muscle strié

 

NX : les ganglions régionaux ne peuvent être évalués
N0 : pas de métastase ganglionnaire régionale
N1 : métastase ganglionnaire régionale 
a : micro-métastase
b : macro-métastase unique dans l’aire < 3 cm
N2 :
a : unique dans l’aire homolatérale > 3 cm
b : métastases multiples dans l’aire homolatérale
c : métastases régionales intra-lymphatique (in transit ou satellites)
N3 :
a : métastases bilatérales ou controlatérales
b : métastases ganglionnaire avec envahissement du facial ou de la base du crâne

MX : ne peuvent être évaluées
M0 : pas de métastase
M1 : métastase(s)

 

 

Stades des carcinomes cutanés (8ème version de la tête et du cou)

C'est la nouvelle classification. Elle introduit les notions « d’invasion en profondeur au-delà de 6 mm » et « d’invasion péri-nerveuse » .
Par ailleurs, un critère de "taille" est réintroduit avec une valeur de 4 cm (au lieu de 5 cm), permettant de différencier des lésions T3 de T2, et en accord avec les critères de taille des autres tumeurs ORL.
Les adénopathies cervicales sont classées selon la classification "N" habituelle.

 

Stade Tumeur T Ganglion N Métastase
0 Tis N0
 
M0

 
I T1
II T2 ou T3
III

T4
Tout T

N0
N1

IV Tout T Tout N M1

 

 

LES FACTEURS PRONOSTIQUES

Tout d'abord, le délai de prise en charge est un facteur pronostique....
La majorité des carcinomes épidermoïdes est de bon pronostic. Le taux de létalité est, selon les séries, varie de 1.5 to 3.4%.
C'est un cancer dont la malignité est surtout locale.
Cependant, l’évolution locale peut être agressive, soit par infiltration, soit par diffusion le long des vaisseaux ou des nerfs. De plus, c'est une tumeur lymphophile et peut donc métastaser à distance par extension :

  1. Aux premiers relais ganglionnaires dans 2 à 5 % des formes cutanées et 20 % des formes muqueuses. Ceci explique que le spécialiste recherchera systématiquement par l’examen clinique une adénopathie dans le territoire de drainage
  2. Par voie hématogène aux organes internes (poumons, foie, cerveau, etc.) est exceptionnel.

 

Critères cliniques Critères histologiques Siège de la lésion

Adhérence au plan profond
Signe neurologique d’envahissement (nerf facial, nerf trijumeau)
Immunodépression
Diamètre ≥ 10 mm (zone à risque) ou ≥ 20 mm (zone à moindre risque)
T : taille et profondeur de la tumeur : < 4 mm vs. > 4 mm
Récidive locale

Invasion péri-nerveuse
Degré de différenciation cellulaire moyen à non différencié
Desmoplastique > muco-épidermoïde > acantholytique
Niveau de Clark ≥ IV
Épaisseur > 3 mm (ou 5 mm pour certains auteurs)

Zones à risque
Péri-orificielles (nez, lèvre, oreille externe, paupière)
Cuir chevelu
Non insolées (périnée, plante des pieds, ongle)
Radiodermite, cicatrice de brûlure, inflammation ou ulcère chroniques.
Zones à moindre risque
Autres localisations de la tête, du tronc et des membres.

 

GROUPE 1: absence de critère de mauvais pronostic ; risque très faible de récidive et/ou de métastases.

  • Examen clinique portant sur l'ensemble de la peau et examen des aires ganglionnaires de drainage
  • Aucun examen complémentaire n'est utile à ce stade

GROUPE 2 : au moins un critère de mauvais pronostic ; risque de récidive et/ou de métastases : de moyen à très haut, en fonction des critères présents (nombre et valeurs)

  • Examen clinique portant sur l'ensemble de la peau, examen des aires ganglionnaires de drainage et recherche de localisations métastatiques
  • Examens complémentaires : échographie locorégionale (zone de drainage) ; autres investigations orientées selon les points d’appel cliniques ou selon les critères pronostiques associés.
     

 

 

SON TRAITEMENT

LA CHIRURGIE, LE PLUS SOUVENT.. .

C'est le traitement de base et doit être précoce.
La chirurgie large avec des marges de 4 à 10 mm est le seul traitement de référence.
La technique de chirurgie micrographique décrite par F. Mohs en 1941 se pratique le plus souvent sous anesthésie locale avec analyse extemporanée par congélation. La tumeur est d’abord enlevée par curetage ou exérèse chirurgicale. Une première recoupe mince (environ 2 mm) est alors prélevée sur toute la surface péri-tumorale. Après vérification histologique extemporanée, s’il ne persiste pas de foyer tumoral, les marges sont considérées comme saines. Dans le cas contraire, le résidu tumoral est repéré pour orienter la reprise qui se fera à nouveau de façon parallèle à la surface de la perte de substance.
Un curage ganglionnaire peut s'imposer au moindre doute.
L'exérèse chirurgicale est suivie d'une réparation chirurgicale immédiate
 
LES ALTERNATIVES A LA CHIRURGIE
 
La cryothérapie
Ce sont des méthodes de destruction tissulaire par le froid au moyen d’azote liquide.
La cryothérapie consiste à vaporiser de l’azote liquide sur une lésion dans le but d’obtenir une congélation. Elle permet une destruction tissulaire superficielle. Plusieurs séances peuvent être nécessaires.

La cryochirurgie
Elle a une action plus profonde. Le froid diffuse dans l’épaisseur de la peau après l’application d’une cryode sous anesthésie locale.

Le curetage-électrocoagulation
C'est une technique de destruction associe, sous anesthésie locale, un grattage de la lésion à la curette puis une coagulation à l’aide d’un bistouri électrique.

La radiothérapie
La curiethérapie et la radiothérapie externe sont des traitements de seconde intention.
Une radiothérapie adjuvante peut être proposée en cas de facteurs de pronostic défavorable. Des doses de 60 à 70 Gy ou équivalentes sont nécessaires et fonction de la taille tumorale.

EN CAS DE MÉTASTASE
 
Les métastases locales (dites en transit)
Le traitement est une exérèse chirurgicale si compatible avec obtention de marges cliniques saines. Le traitement peut être complété par une radiothérapie adjuvante. 
En cas de suspicion d’une atteinte ganglionnaire, le ganglion suspect (cliniquement ou à l’imagerie médicale) fera l'objet d'une biopsie chirurgicale avec contrôle histologique. Si le ganglion est atteint, un curage ganglionnaire complet avec une étude histologique de tout ganglion repéré macroscopiquement sera réalisée.
Un traitement complémentaire consistant en une irradiation adjuvante des relais ganglionnaires est nécessaire en cas d'atteinte métastatique et/ou si le curage ganglionnaire à été incomplet ou douteux.
 
Les métastase à distance
Elles sont traitées par la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie ou les thérapies ciblées comme le cetuximab (Erbitux™).
 
L'IMMUNOTHERAPIE
C'est un inhibiteur du point de contrôle "PD1", a montrer l'intérêt de cette approche thérapeutique à la fois contre les formes avancées et/ou métastatiques ainsi qu'en tant que traitement néoadjuvant.
Il est homologué pour le traitement en monothérapie pour le traitement du carcinome épidermoïde cutané métastatique ou localement avancé (CECm ou CECla) qui ne sont pas candidats à une chirurgie curative ni à une radiothérapie curative.
La dose recommandée est de 350 mg de cémiplimab, administrée toutes les 3 semaines par perfusion intraveineuse de 30 minutes. Le traitement pourra être poursuivi jusqu’à progression de la maladie ou une toxicité inacceptable.
Une étude récemment publiée a montré, aux stades de II à IV, l'intérêt de cette immunothérapie en tant que traitement néoadjuvant (4 doses à 3 semaines d'intervalle).

Pembrolizumab (Ketruda™)
Récemment, le pembrolizumab a été homologué pour mes formes récidivantes.

Le suivi du traitement

IL FAIT APPEL A VOUS-MÊME...

On vous apprendra à faire un auto-examen, pour une auto-détection d’une éventuelle récidive. On vous incitera à respecter les règles de photoprotection.

SELON LA FORME DE LA MALADIE

Pour les tumeur du Groupe 1 et les carcinome in situ
Examen clinique tous les ans, pendant au moins 5 ans et aucun examen paraclinique.

Pour les tumeurs du Groupe 2
Examen clinique tous les 3 à 6 mois, pendant au moins 5 ans (voire plus fréquent selon les critères pronostiques).
Examens complémentaires en cas de "haut risque" : échographie locorégionale tous les 6 mois pendant 5 ans ; d'autres  examens sont possibles et seront orientés par les résultats de l'examen clinique.

Mise à jour

15 juin 2023