help

Les bases théoriques

Les gènes, le cancer et le cycle cellulaire...

Un être humain est constitué d'environ 1014 (cent trillions) cellules....

Le génome de chaque cellule humaine est formé par environ 3 milliards de paires de bases (pour environ 25.000 gènes), avec un taux de mutation estimé de 1 à 2 x 107 par gène par division cellulaire.
En même temps, chaque seconde, un million de cellules ‘se suicident’ (apoptose) dans le corps d’un adulte. Ainsi, en un jour, nous produisons (et en parallèle supprimons) 60 x 109 cellules dans les tissus auto-renouvelant du corps : peau, intestin, moelle et organes sexuels. Ceci représente une masse des cellules équivalentes à un poids corporel entier sur une base annuelle.

La prolifération d'un clone...

Si on accepte le modèle de l’origine clonale des cancers, où seulement une des cellules de l’organisme devienne maligne à un certain moment de la vie, on peut estimer, que bien que le cancer soit une maladie fréquente dans la population, la transformation maligne d'une cellule individuelle et son évolution jusqu’au cancer est, par contre, un événement très rare !

Bien que les cancers dérivent de tissus différents, la prolifération cellulaire incontrôlée et l’inhibition de la mort cellulaire par apoptose ou autophagie, fournissent les éléments nécessaire et indispensable pour la progression néoplasique.

A la base de la prolifération et la mort cellulaire se trouve le cycle cellulaire...

Il est constitué d’une série ordonnée et finement régulée d'événements menant à la réplication des cellules.
La synthèse et phosphorylation (par des protéines kinases) de certaines protéines ainsi que leur successive déphosphorylation et dégradation (par la voie du protéasome), contrôlent la progression au travers le cycle cellulaire.
Le cycle cellulaire est à son tour régulé par des signaux positifs (facteurs de croissance) et des signaux négatifs (protéines) « suppresseurs de tumeurs».

Les cancer c'est...

  • Autosuffisance en terme de signaux de croissance
  • Insensibilité aux signaux inhibiteurs de croissance
  • Capacité replicative infinie
  • Angiogenèse continue
  • Évasion de la mort cellulaire (apoptose)
  • Invasion tissulaire et capacité à métastaser
  • Évasion du système immunitaire

Les principes théoriques…

LES LOIS DE SKIPPER

Les bases
Howard Earl Skipper (1905- 2006), biochimiste américain et Prix Lasker en 1974 a établi ces lois éponymes à partir d'un modèle animal de leucémie (L1210) dans lequel la croissance des cellules tumorales est exponentielle.
Ce modèle exponentiel part du postulat que le temps nécessaire au doublement du volume de la tumeur est constant. De ce fait il existe une relation linéaire entre le logarithme du volume tumoral et le temps. L’espérance de vie spontanée dépend alors du volume tumoral au moment du traitement
L’administration d’un médicament cytotoxique, à une dose définie, détruit un pourcentage constant de cellules tumorales, indépendamment du volume tumoral au moment de l’application du traitement.

Les quatre principes fondamentaux de la chimiothérapie
Ils dérivent des lois de Skipper :

  • La sensibilité, à l’action des médicaments de chimiothérapie cytotoxiques, concerne essentiellement les cellules en cycle de division
  • Le taux de destruction cellulaire dépend de la dose et de l’intervalle entre les administrations
  • L’efficacité des médicaments est décroissante (logarithmique) avec la réduction des doses
  • La re-croissance de la population cellulaire tumorale est favorisée par l’élargissement des intervalles entre les traitements
     

 LA MODÉLISATION GOMPERZIENNE

Les bases
La modélisation utilisant l'approche théorique de Benjamin Gompertz (mathématicien anglais 1779- 1865), appelée, loi de mortalité de Gompertz-Makelam. Cette modélisation décrit beaucoup mieux l'évolution des tumeurs expérimentales.
Le volume tumoral résulte d'une population en expansion et d'une population en régression, témoin de la population quiescente et de la mort cellulaire. De ce fait, la courbe gomperzienne est une sigmoïde et comporte plusieurs phases de croissance cellulaire:

  • La première est lente en raison du faible nombre de cellules en division
  • La deuxième est une phase de croissance très rapide permettant l'acquisition du volume tumoral maximal
  • La troisième est un plateau car la croissance de la tumeur ralentit régulièrement à mesure que son volume augmente, le volume maximum correspond au plateau.
     

 Les implications
Cette modélisation à deux conséquences importantes

  • La prolifération tumorale entraîne des défauts de vascularisation de la tumeur aboutissant notamment à une anoxie (manque d'oxygène) de la cellule, ralentissant son cycle cellulaire et/ou l'entraînant dans une phase de non-prolifération (phase G0) voire dans la mort cellulaire et la nécrose
  • Les cellules non proliférantes deviennent ainsi temporairement résistantes à la chimiothérapie en raison d'un allongement du temps permettant la réparation des dommages survenus sur l'ADN.

UN ORDRE DE GRANDEUR....

Phase pré-clinique (sa détection avec les méthodes actuelles) 3 à 4 fois plus longue que la phase clinique...
Seuil de détection d'une tumeur : 1 g = 109 cellules = 30 doublements cellulaires.
Lors du décès la masse tumorale : 1012 cellules = 1 kg = 10 doublements de plus

Les principales règles de la chimiothérapie

LES BASES THÉORIQUES DES ASSOCIATIONS

La théorie de JH. Goldie et AJ. Coldman, élaborée en 1979 (A mathematical model for relating the drug sensitivity of tumors to their spontaneous mutation rate. Cancer Trat Rep 1979;63:1727-33), a permis de jeter les bases de la polychimiothérapie et ainsi de réduire efficacement le nombre de clones résistants. Basé sur ces principes théoriques, l'oncologue :

  • Associe des molécules dont les mécanismes d'action sont différents, permettant de créer des lésions sur plusieurs cibles cellulaires. Ceci, en outre, aura comme avantage de réduire le risque d'acquisition de phénomènes de résistance.
  • Utilise des médicaments dont le mécanisme de résistance cellulaire est non croisée.
  • Associe des médicaments dont le profil de toxicité est différent, permettant d'éviter, le plus possible, des effets secondaires sévères.
     

 LES CYCLES (CURES) DE CHIMIOTHÉRAPIE

Habituellement
Il est prescrit 4 à 6 cures de chimiothérapie à des doses moyennement fortes aboutissant à une aplasie médullaire modérée, ne nécessitant ni la prescription d'antibiotiques, ni celle de facteurs de support médullaires 

Pourquoi ?
Ce type de chimiothérapie, en cycles successifs, est basée sur les capacités différentes de récupération des cellules souches normales et tumorales.
En effectuant des cures successives, on permet aux cellules souches normales mais aussi aux cellules cancéreuses de "récupérer". Comme les cellules normales ont tendance à récupérer plus vite que les cellules cancéreuses, la tolérance du traitement est acceptable mais en même temps la masse tumorale décroit.
Le rythme des cures dépend de ce temps de récupération, et/ou de la rapidité de multiplication tumorale, plus court pour les tumeurs embryonnaires et les sarcomes.

LES OBSTACLES

Les tumeurs sont habituellement mal vascularisées
Souvent, au centre de la tumeur, les cellules cancéreuses sont mal irriguées, ou plus ou moins quiescentes. De ce fait, elles reçoivent moins d'antimitotiques, et, n'étant pas en phase de division, sont beaucoup moins sensibles à la chimiothérapie.

L'effet des traitements
La radiothérapie entraîne des modifications importantes de la vascularisation autour de la tumeur traitée. Si une récidive survient en territoire irradié, la tumeur est souvent chimio-résistante, en rapport avec une hypo-vascularisation.
Par contraste, une chirurgie première d'ablation ou le cas échéant de réduction tumorale, comme par exemple pour le traitement du cancer de l’ovaire, est une option pour contourner ce problème, permettant de mieux exposer les cellules tumorales à la chimiothérapie.

LES LIGNES DE TRAITEMENTS

LA CHIMIOTHÉRAPIE DE PREMIÈRE LIGNE (INTENTION)

La chimiothérapie est administrée immédiatement chez des malades n'ayant pas encore reçu de chimiothérapie. Tous les médicaments utilisés en première ligne ont fait la preuve de leur efficacité en montrant qu'ils augmentent le nombre de malades en vie et retardent la progression de la maladie.

LA CHIMIOTHÉRAPIE DE DEUXIÈME LIGNE (INTENTION)

La chimiothérapie est administrée à la suite d'une chimiothérapie de première ligne dont les résultats ont été jugés insuffisants. C'est aussi ce type de chimiothérapie qui est utilisé chez les patients présentant une récidive de leur cancer.

LA CHIMIOTHÉRAPIE DE TROISIÈME LIGNE OU DE RATTRAPAGE

La chimiothérapie est dite de troisième ligne ou de sauvetage lorsqu'elle est administrée à la suite d'une chimiothérapie de seconde ligne dont les résultats ne sont pas satisfaisants. C'est ce type de chimiothérapie qui est utilisé chez les patients présentant une rechute de leur cancer.

LES AUTRES LIGNES DE CHIMIOTHÉRAPIE

Le cancer est souvent devenu actuellement une maladie chronique comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. Ce nouveau paradigme implique de nombreuses lignes de traitement.
Comme actuellement les nouveaux médicaments sont nombreux, on peut parfois être amené à proposer de nouvelles molécules chez des malades ayant épuisé l'effet des chimiothérapies habituelles ou bien lorsqu'une chimiothérapie, pour des raisons de toxicité, est irréalisable.

Selon ses objectifs

LA CHIMIOTHÉRAPIE À VISÉE CURATIVE

Dans ce cas, la chimiothérapie constitue l'étape majeure du traitement et elle peut, à elle seule, amener la guérison du malade. 

LA CHIMIOTHÉRAPIE PALLIATIVE

Ce sont des chimiothérapies utilisées chez des malades présentant un cancer avancé (stade IV) ou en rechute. L’objectif du traitement est de contrôler la maladie et donc de prolonger la vie du patient et d’améliorer son confort et, en corollaire sa qualité de vie.

Selon le protocole de chimiothérapie...

LA CHIMIOTHÉRAPIE MASSIVE (INTENSIFICATION)

Pourquoi ?
Plus la dose administrée est forte, plus on a des chances de tuer un grand nombre de cellules cancéreuses, mais aussi de cellules saines.
Elles sont parfois effectuées sous couvert d'une autogreffe de moelle osseuse ou maintenant sous couvert de traitement par cellules souches homologues prélevées avant la chimiothérapie intensive grâce à l'utilisation des facteurs de croissance.

Les conséquences
Les cellules souches hématopoïétiques, ainsi que les cellules de la peau et des muqueuses digestives vont être atteintes de façon importante, entraînant, des effets secondaires, comme :

  • Une atteinte de la moelle osseuse (aplasie) portant sur
  • Les globules blancs polynucléaires, avec un risque infectieux qui sera prévenu par un isolement en milieu stérile et, le plus souvent, par la prescription d’une antibiothérapie prophylactique systématique
  • Les plaquettes, avec un risque majeur d'hémorragies, notamment au niveau des téguments, du tube digestif, mais aussi du cerveau, et la nécessité de transfusions plaquettaires préventives 
  • Une mucite et des diarrhées importantes, nécessitant, parfois une réhydratation et dans tous les cas des soins de bouche quotidiens (parfois l'utilisation de bains de bouche morphiniques)
  • Une alopécie complète réversible


Ce type de chimiothérapie peut être envisagé chez les malades :

  • Jeunes (âge inférieur à 50 ou 60 ans)
  • Ne présentant pas d'affections touchant les organes cibles des effets indésirables des cytotoxiques, ni des organes de métabolisation ou d'élimination de ces composés.
  • Dont la fonction de moelle osseuse n'a pas été altérée par des traitements antérieurs (vérification de la richesse de la moelle lors du prélèvement pour l'autogreffe).
  • Sans atteinte médullaire métastatique
  • Ayant donné leur consentement après information complète et aptes psychologiquement à supporter environ un mois d'hospitalisation.
     

 Les indications actuelles

Ces chimiothérapies massives sont surtout proposées dans le traitement d'induction des leucémies aiguës mais parfois, aussi, pour le traitement de certaines tumeurs solides.
Une dose massive d'antimitotique va être prescrite pour tenter de tuer toutes les cellules souches cancéreuses
.
Elles sont également parfois utilisées comme traitement dit de clôture de certaines tumeurs solides, des lymphomes agressifs et de certaines tumeurs testiculaires.

LES CHIMIOTHÉRAPIES DENSES

On parle de densification lorsque les cures de chimiothérapie sont plus rapprochées, par exemple, toutes les deux semaines au lieu de toutes les trois semaines.

La chimiothérapie à visée curative

OBJECTIFS

Dans ce cas, la chimiothérapie représente l'étape majeure pouvant, néanmoins, être complémentaire à une autre étape, et dont on espère qu'elle aboutira à la guérison du malade.
Du fait de la nécessité d'obtenir une rémission complète durable, permettant d'espérer une guérison, on peut être amené à intensifier ou a densifier la chimiothérapie, avec la nécessité d'appliquer des mesures correctrices pour passer les caps dangereux.

QUELS CANCERS ?

  • Les leucémies, les lymphomes
  • Les cancers du testicule
  • Les choriocarcinomes placentaires
  • Les tumeurs "embryonnaires" et les neuroblastomes de l'enfant
  • Les sarcomes osseux
  • Les cancers de l'ovaire,
  • Les cancers du poumon à petites cellules,
  • Certains cancers inflammatoires du sein. 

La chimiothérapie adjuvante ou de prévention

POURQUOI ?

Définition
La chimiothérapie est dite adjuvante ou de prévention, lorsqu'elle est administrée après une thérapeutique locale, chirurgie ou radiothérapie.

Son rationnel scientifique
Ce traitement a pour objectif de détruire les cellules tumorales qui auraient pu échapper au traitement local. Elle peut aussi être administrée quand on ne détecte pas de localisation secondaire mais que certains facteurs (métastases dans les ganglions lymphatiques, grade de la tumeur, marqueurs tumoraux) font craindre un risque élevé de récidive. L'utilisation de la chimiothérapie à un stade précoce de la tumeur peut retarder le développement de résistance à la chimiothérapie souvent observé dans les cancers étendus ou métastatiques.

Les critères
On propose une chimiothérapie adjuvante parce qu'on sait que, statistiquement, les malades ont plus de chances de survivre avec la chimiothérapie que sans.
Cependant, pour un malade donné, cela n'est pas forcément aussi clair car les complications de la chimiothérapie peuvent, dans certains cas, annihiler l'effet positif attendu de la chimiothérapie.

POUR QUELS CANCERS ?

Elle est un "standard" de traitement pour certains types de cancers. Les indications pour lesquelles un bénéfice, en termes de survie, est démontré sont :

  • Les cancers du sein
  • Les cancers de la vessie
  • Les cancers colorectaux
  • Les sarcomes et les ostéosarcomes
  • Certains cancers du poumon
  • Certaines tumeurs cérébrales
     

 Les indications pour lesquelles un bénéfice est probable : les cancers avancés ou à haut risque de la sphère ORL et les cancers avancés du col de l’utérus 

LA CHIMIOTHÉRAPIE première OU NÉOADJUVANTE

SON RATIONNEL SCIENTIFIQUE

Ce concept a d'abord été développé à propos des cancers du sein localement avancés. Le but de la chimiothérapie première est de faire régresser le volume tumoral ou les signes d'inflammation. II s'agit de rendre curables, par la chirurgie et/ou la radiothérapie, des cancers qui se présentent initialement comme avancés.
Elle a, aussi, pour objectif soit de préserver un organe comme le larynx, le sein, la vessie ou un os du squelette, soit d'aider le traitement local, en particulier en cas de grosse tumeur difficilement extirpable.

SES MODALITES PRATIQUES

Elle consiste en 2 ou 3 cures de chimiothérapie. Elles sont nécessaires pour juger de l'efficacité du traitement. On doit faire un nouveau bilan à l'issue de ce délai pour apprécier les possibilités d'un traitement chirurgical et/ou radiothérapique qui, rendu possible, donne un nouvel espoir de curabilité.
Enfin, l'utilisation de la chimiothérapie à un stade précoce de la tumeur peut retarder le développement de résistance à la chimiothérapie souvent observé dans les cancers étendus ou métastatiques.

LES LIMITATIONS

Les inconvénients de cette technique sont :

  • Le retard au traitement chirurgical ou à la radiothérapie et, donc un risque de progression tumorale,
  • L'augmentation du risque des complications per- et post-opératoires et des réactions radiques,
  • Les difficultés pour les anatomopathologistes de bien classifier la tumeur après la chimiothérapie,
  • L’induction d’une immunodépression et donc d’une plus grande sensibilité aux infections.
     

LES  INDICATIONS ACTUELLES

Cette technique à pour objectif d'améliorer le contrôle local de la maladie et donc de faciliter une exérèse chirurgicale moins délabrante et de préserver une fonction, ce qui explique qu'elle a été très développée pour le traitement des cancers de la sphère ORL.
Elle est également utilisée dans le traitement des cancers du sein évolués, de l'œsophage, de la vessie, du larynx, du canal anal et dans certains sarcomes et ostéosarcomes.

La chimiothérapie associée à d'autres modalités de traitement

La chimiothérapie peut aussi être utilisée en association avec d'autres modalités de traitement comme la radiothérapie ou la chirurgie.
Les traitements sont associés pour obtenir un meilleur résultat que celui qui pourrait être obtenu avec une seule modalité de traitement. Aujourd'hui, grâce à l'utilisation de plusieurs modalités thérapeutiques, il est possible de traiter efficacement la plupart des cancers.

Mise à jour

30 avril 2020