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La réaction du greffon contre l'hôte (GVHD)

On vous a parlé de GVHD...

DÉFINITION
La réaction du greffon contre l’hôte est le plus souvent désignée par l’abréviation anglo-saxonne GVHD pour graft versus host disease.
C'est une complication majeure fréquemment observée au décours des greffes de moelle osseuse qui résulte de l’attaque du receveur par les lymphocytes du donneur.

QUE SE PASSE-T-IL ?
Cette maladie ne survient que lorsque le donneur et le receveur sont incompatibles, et que le receveur est profondément immunodéprimé (ou tolérant vis-à-vis du donneur).
Si le greffon contient encore des lymphocytes T, le receveur (patient) est, alors, incapable de rejeter une greffe allogénique en raison du déficit immunitaire consécutif soit à la maladie soit à l’immunosuppression induite par les traitements ou des deux à la fois.


Due à la reconnaissance d‘antigènes mineurs d'histocompatibilité du receveur par les lymphocytes T du donneur...


QUAND ?
Les conditions nécessaires au développement de la maladie du greffon contre l’hôte sont les suivantes :
  1. Une différence d’histocompatibilité entre donneur et receveur,
  2. La présence de cellules immunocompétentes dans le greffon, capables de réagir contre les antigènes d’histocompatibilité de l’hôte
  3. L’impossibilité du receveur de rejeter la greffe
     

Il faut noter que, si la GVHD s’observe essentiellement dans le contexte d’une allogreffe de moelle, elle peut, aussi, rarement, survenir après une simple transfusion sanguine si les conditions, citées plus haut, sont remplies.


Les lymphocytes T du donneur entraînent une destruction de l’épithélium des organes du receveur...

Conditions nécessaires à l’apparition d’une maladie du greffon contre l’hôte

Une différence d’histocompatibilité entre donneur et receveur
La présence de cellules immunocompétentes dans le greffon capables de réagir contre les antigènes de l’hôte
Incapacité du receveur de rejeter le greffon (il est immunodéprimé !)

 

LA GVHD AIGUË

CHEZ QUI ?

C'est malheureusement fréquent mais c'est aussi le "prix à payer" pour guérir la maladie... L'incidence de la GVHD est directement liée au degré de compatibilité du greffon, en particulier les protéines définissant les groupes tissulaires (système HLA ). Les principaux facteurs de risque sont

  • La disparité du système majeur d’histocompatibilité HLA entre donneur et receveur ce qui explique que l'incidence varie de 35 à 45 %, en cas de très bonne compatibilité (donneurs dans la famille), à 60-80 %, en cas de donneur avec un seul antigène non compatible. Les taux seraient inférieurs en cas d'utilisation de sang de cordon ombilical.
  • L'âge du donneur et du receveur
  • Le sexe, donneur femme et receveur homme
  • La disparité des antigènes mineurs dans les greffes familiales entre frères et sœurs
  • La source de cellules souches hématopoïétiques (CSH)
  • L’intensité du conditionnement
  • La nature de la prophylaxie de la GvH mise en route
     

 QUAND ?

Elle s’observe entre 2 et 4 semaines après la greffe ; sa période s’étendant jusqu’à environ 3 mois. Il s’agit d’une agression du receveur (le greffé) par le système immunitaire du donneur avec, comme organes cibles :

  • La peau : éruption cutanée (rash) pouvant aller jusqu’à l’épidermolyse bulbeuse
  • Les muqueuses buccales et génitales, l'atteinte pouvant être invalidante
  • Le tube digestif : nausées, perte d'appétit (anorexie), diarrhée liquide, parfois importante, douleurs abdominales
  • Le foie : jaunisse (ictère) 


 

Tube digestif Peau Foie

Diarrhées
Vomissements
Saignements digestifs

Érythème
Éruption maculo-papuleuse
Épidermolyse (syndrome de Lyell)

Cholestase (rétention biliaire)
Insuffisance hépatique

Son diagnostic …
Il est clinique mais une confirmation nécessitera une biopsie de la peau ou du foie.
Au niveau de la peau, on observe, au microscope, des zones de nécrose, un œdème et une infiltration du sous-épiderme avec présence habituelle de lymphocytes T CD8+.
L’examen du foie révèle des foyers de nécrose éosinophile, une destruction des canaux biliaires, une hypertrophie des cellules de Küpffer* et des infiltrats lymphocytaires péribiliaires.

Le traitement
Toutes les manifestations de GVH aiguë ne sont pas à traiter.
Habituellement les GVHD de grades I ne sont pas traitées en raison de la nécessité d’obtenir un effet graft versus leukemia (GVL).
Dans les autres cas, le traitement de référence de la GVH aiguë est une corticothérapie à la posologie de 2 mg/kg par jour.
Il faut savoir qu'un nombre important des GVH aiguës vont être résistantes aux corticoïdes (progression après trois jours de traitement, stabilité des lésions à sept jours et absence de rémission complète à 14 jours).

 

[*Karl Wilhelm von Kupffer (1829-1902 anatomiste allemand originaire de Courlande qui a découvert les cellules étoilées du foie en 1898 avec le pathologiste polonais  Tadeusz Browicz (1847-1928)]

On distingue 4 grades de gravité.

 

 

  

Grade

Peau : rash

Foie : ictère (bilirubine)

Tube digestif : diarrhée

I

< 25 % surface corporelle (S C)

1 – 3 mg/dL

0,5 – 1 L/j

II

25 – 50 %
S C

3 – 6 mg/dL

1 – 1,5 L/j

III

Erythrodermie

6 – 15 mg/dL

> 1,5 L/j

IV

Epidermolyse bulbeuse

> 15 mg/dL

> 1.5 L:j +

Douleurs abdominales sévères ou hémorragies

  

Augmentation du risque de GVHD, en ordre décroissant d'importance

  • Greffe haploidentique
  • Deux locus incompatibles
  • Un locus incompatible
  • Donneur non apparenté
  • Donneur apparenté
  • Antigènes mineurs sur le chromosome Y : risque quand homme reçoit moelle d’une donneuse
  • Age du receveur : 30% entre 40 et 50 ans, 80% après 50 ans
  • Patient CMV+ ou donneur CMV+
  • Irradiation corporelle totale
  • Certaines disparités (HLA DR1) donnent plus de GVHD que pour HLA-A ou HLA-B

L'effet GVL ...

Dans certaines conditions, l’agression du greffon contre l'hôte a un effet positif, à savoir l’éradication des cellules malignes encore présentes. C’est l’effet GVL (Graft Versus Leukemia) qui est recherché.
La recherche actuelle vise à identifier les mécanismes immunologiques responsables des effets GVHD et GVL pour parvenir à maximaliser, par une manipulation du greffon, l’effet GVL tout en minimisant l’effet GVHD.

LA GVHD CHRONIQUE

QUAND ?

Elle survient plus de 100 jours après la greffe et est souvent mais pas toujours précédée d’une GVHD aiguë.

SES CARACTÉRISTIQUES ...

Les signes et symptômes
Comme pour la forme aiguë, elle touche :

  • La peau, les ongles, et les muqueuses avec des zones d’hypo- ou hyperpigmentation, une sclérose, un lichen plan, un érythème,
  • Les yeux avec un syndrome sec qui peut aussi affecter la bouche (xérostomie)
  • Le tube digestif, avec une perte d'appétit
  • Le foie, avec une jaunisse (ictère) ou, à un moindre degré une anomalie des tests hépatiques
     

 Elle peut également se manifester par des phénomènes auto-immuns, avec présence d’auto-anticorps, un tableau de sclérodermie ainsi que sous forme d'une bronchiolite oblitérante caractérisée par une atteinte inflammatoire et fibrosante de la paroi des bronchioles, qui réduit le calibre bronchiolaire et conduit à une altération des débits aériens.

 

Sévérité

Signes

Légère
(30 %)

Modérée
(40 %)

Sévère
(30 %)

Nombre d'organes touchés

1 - 2

> 3

> 3

Score de l'atteinte de chaque organe

1

(sauf poumon)

2 ou poumon 1

3 ou poumon 

Incidence cumulative

30 %

40 %

30 %

En vie à 5 ans

85 %

80 %

50 %

Les moyens thérapeutiques…

LA PRÉVENTION

Un traitement immunosuppresseur est administré systématiquement préventivement après la greffe. Il consiste en une association de méthotrexate et de cyclosporine.

LES TRAITEMENTS

En cas de survenue d’une GVHD aiguë
Une corticothérapie par voie intraveineuse (méthylprednisolone 2 mg/kg/j) est prescrite ou, en cas de résistance, des globulines antithymocytes (sérum anti-lymphocytaire).
De nombreuses recherches sont en cours pour préciser l'intérêt d'un traitement par certaines thérapies ciblant soit le TNF soit l'IL2.
Récemment un médicament ciblant les kinases JAK1/JAK2, le ruxolitinib (Jakafi™), a montré son efficacité dans les formes réfractaires de la maladie. C'est un inhibiteur de JAK, actif par voie orale. Le nom JAK signifie Janus kinases, car ces enzymes ont "un double visage" : une fonction «positive» dans le système immunitaire et une fonction «négative» dans la pathogenèse de l’inflammation chronique, nous renvoyant ainsi au personnage de la mythologie. 

Pour la GVHD chronique
Le traitement habituel comporte une association de corticoïdes et de cyclosporine, et en cas de résistance, de l’azathioprine (Imurel™) voire du thalidomide.

L’ibrutinib (Imbruvica™)
Cette molécule de thérapie ciblée vient d'être homologué aux États-Unis par la FDA pour le traitement des patients adultes présentant une réaction du greffon contre l’hôte chronique après l’échec d’une ligne de traitement systémique ou plus.
L’ibrutinib est un inhibiteur de la tyrosine kinase de Bruton (BTK), une protéine favorise la survie et la croissance des cellules B.

DEMAIN, PEUT-ETRE !

L'entospletinib qui est un inhibiteur de la tyrosine kinase splénique (SYK) est en cours de développement clinique ainsi que le KD025 qui est un ROCK2 inhibiteur.
Le Jakivi™ (ruxolitinib) qui est un inhibiteur de JAK1 and JAK2 est aussi en développement pour les formes résistantes de GVHD.

GVHD = réaction immunitaire = Janus

Effet bénéfique :  antitumoral (GVL)
Effets secondaires : GVHD mortalité, morbidité

Mise à jour

15 juillet 2021