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Le cancer à petites cellules

L'évolution des concepts

UN PETIT RETOUR EN ARRIÈRE

Au XIXème siècle, on pensait que le cancer du poumon à petites cellules provenait du système lymphatique en raison des similarités d’aspect microscopique entre les cellules de ce cancer et celles des lymphomes. En 1879, FH. Härting et W. Hesse*, pathologistes allemands, décrivirent un lymphosarcome du poumon causé par l'arsenic chez les mineurs.
En 1926, W. Barnard**, pathologiste américain montra l'origine épithéliale de la tumeur
et consacra le terme de carcinome à petites cellules "CBPC" .

ÉPIDÉMIOLOGIE

C'est une maladie rare et ne représente, en 2012, que 15 % de tous les cancers du poumon. Son incidence a fortement diminué ces dernières années.
Il touche principalement les sujets de plus de 70 ans, gros fumeurs ou les anciens gros fumeurs.
Il s'agit, souvent de tumeurs volumineuses, développées à partir des grosses bronches et tendent à s’étendre au médiastin. La conséquence est une compression extrinsèque et une infiltration de l’arbre bronchique ainsi que des syndromes de compression médiastinale.

 

* FH Härting and W Hesse, Der Lungenkrebs, die Bergkrankheit in den Schneeberger Gruben , Vjschr gerichtl Med offen Sanitats,  30  (1879), pp. 296–309
**W Barnard, The nature of the ‘oat-celled sarcoma’ of the mediastinum . J Pathol,  29  (1926), pp. 241–244

Le cancer bronchique à petites cellules fait partie des tumeurs neuro-endocrines

SON POINT DE DEPART

Le cancer se développe à partir du système APUD pour Anine Processus Uptake Decarboxylase. Ce système est composé de cellules claires endocrines qui ne font pas partie d'un système glandulaire. A l'état normal, ces cellules se trouvent dans les poumons, où elles régulent les sécrétions bronchiques.

Les cellules du système APUD, ou neuroendocrine diffus
Ces cellules sont minoritaires et ne représentent que 3 à 5 % des cellules épithéliales des bronches.
Ces cellules, qui n’atteignent pas le pôle apical de l’épithélium, ont une polarité inversée : noyau en position apicale, alors que des granules de sécrétion se concentrent au pôle basal. Les produits de sécrétion vont donc diffuser dans le tissu conjonctif.
Dans l’appareil respiratoire, les cellules APUD sont majoritairement des cellules sécrétrices de sérotonine. Au niveau des bronches, elles peuvent se regrouper pour former les corps neuro-épithéliaux de Lauweryns.
Ces structures possèdent des chémorécepteurs sensibles à la teneur en CO2 de l’air expirée et vont adapter le calibre des conduits.
Longtemps, on a considéré que le CBPC était d'origine neuro-ectodermique, le neuroectoderme étant l’un des trois feuillets primitifs de l’embryon donnant le revêtement cutané et le système nerveux.  Actuellement, deux théories tentent de l'expliquer cette origine.

LES THEORIES ACTUELLES

La théorie neuroendocrine
Ce cancer se caractérise par sa capacité de sécrétion, en particulier de peptides, qui sont à l’origine de l'apparition fréquente d'un syndrome paranéoplasique (ensemble de symptômes se développant en rapport avec un cancer mais non directement lié à la tumeur primitive).
Parmi les cinq types de cellules qui constituent l'épithélium bronchique, seules les cellules basales, les cellules à mucus, les cellules de Clara, les pneumocytes de type II et les cellules de Kutchinsky-Masson sont susceptibles de se diviser, après applications d'irritants ou de carcinogènes. Parmi ces cellules, seule la cellule de Kultschinsky-Masson appartient au système neuroendocrine et serait, pour certains, à l'origine du cancer bronchique à petites cellules.

La théorie de la cellule souche pluripotente
Cette théorie semble s'imposer actuellement. Elle considère que les cellules composant la muqueuse bronchique ont, toutes, une origine commune endodermique et dériveraient d’une cellule souche bronchique multipotente. A l’état physiologique, l’aboutissement de cette voie de différenciation pourrait être la cellule de Kutchinsky-Masson.
La cellule maligne du CBPC représenterait la version transformée d’une cellule engagée dans une voie de différentiation neuroendocrine dérivant de cette cellule souche. Sur cette base, on peut expliquer pourquoi il est possible de retrouver dans une cellule de CBPC, outre les marqueurs neuroendocrines, des marqueurs de différenciation épidermoïdes et/ou glandulaires. Inversement, on peut aussi expliquer comment certains cancers bronchiques épidermoïdes ou glandulaires expriment des marqueurs neuroendocrines, CRI, DDC, NSE.
Enfin, cette théorie permet de comprendre également l’existence de CBPC composites ou se trouvent au sein de la même tumeur des cellules a différentiation épidermoïde et glandulaire.

QUELLES SONT LES ÉTAPES DE LA CANCÉRISATION ?

Un oncogène est un gène dominant capable d'induire ou de maintenir un état de transformation cellulaire. Les anti-oncogènes sont des gènes normaux codant pour des protéines qui régulent de façon négative la prolifération cellulaire.

Anomalies génomiques les plus fréquentes dans le CBPC
Elles concernent les chromosomes 3, 13 et 17. On retrouve, ainsi :

  • Une délétion du bras court du chromosome 3 retrouvée dans 90 % des cancers bronchiques à petites cellules et seulement 20 % des cancers bronchiques non à petites cellules
  • Des anomalies du chromosome 13, porteur du gène de susceptibilité du rétinoblastome (Rb).
  • Des anomalies, à type de délétion, sont observées dans plus de 80 % dans les CBPC, contre 10 % dans les cancers bronchiques non à petites cellules. Il peut s'agir d'anomalies du chromosome 17, sur lequel le P53 , un antioncogène, est située sur le bras court du chromosome
     

Causes de la prolifération cellulaire
Au cours d'un processus tumoral, la prolifération cellulaire dépasse les besoins de renouvellement cellulaire. Ce déséquilibre peut être dû soit à une activation d'oncogènes, soit à une inhibition d'antioncogènes.
Dans le CBPC, les anomalies génétiques les plus fréquemment observées, consistent en une hyper-expression oncogène
MYC et une altération des antioncogènes Rb et P53 .
On décrit également, dans le CBPC, le phénomène de boucle de croissance autocrine ou la cellule tumorale produit simultanément :

  • Des facteurs de croissance (non présents à l'état normal), comme le GRP pour Gastrin Releasing Peptide et les facteurs de croissance liés à l’insuline IGF-I et IGF-II.
  • Des récepteurs à ces facteurs de croissance.
     

La connaissance de ces facteurs a permis de réaliser la synthèse d'anticorps spécifiques qui auront, peut-être, un jour une application thérapeutique.

La stadification

AU TERME DU BILAN D'EXTENSION

L'évaluation de l’extension de la maladie est faite grâce à différents examens, en particulier d'imagerie médicale. Elle comprend un scanner du thorax, du foie et du cerveau et une scintigraphie osseuse.
Les marqueurs biologiques, en particulier la mesure de la LDH dans le sang et, plus rarement, la mesure de l’ACE et de l'énolase spécifique du neurone (ENS) pourront être demandés.
En fonction des données, d'autres examens pourront, le cas échéant, être envisagés pour préciser l'extension de la maladie.

LA STADIFICATION

En général...

Comme 90 % des patients atteints de CBPC sont vus à un stade avancé, la classification TNM est peu précise, une classification en deux stades est habituellement utilisée par les spécialistes (VLSG Veterans Administration Lung Study Group system ). Cette classification reconnait deux stades de la maladie :

  • Les formes localisées au thorax, de stade I, opérables, mais très rare ou de stades II et III, incluables dans un seul champ d’irradiation
  • Les formes disséminés, non-incluables dans un seul champ d’irradiation
     

 La classification TNM (8 ème édition) de l'UICC

Elle définit 4 stades d'évolution de la maladie qui correspondent à :

  • Forme limitée = du stade I au stade IIIB (TxNxM0)
  • Forme diffuse = stade IV (TxNxM1)

La stadification T.N.M.

 

Stade Tumeur (T) Ganglions (N) Métastases (M)
O Tis N0 M0
IA-1 

IA-2 
IA-3 
IB
T1a mi 
T1a 
T1b 
T1c 
T2a
IIA T2b
IIB T3 
T1 ou T2
N0 
N1
IIIA T1-T2 
T3 
T4
N2 
N1 
N0
IIIB
IIIC
T1, T2 
T3, T4
N2 - N3 
N3
IVA Tout T Tout N Tout M1a 
Tout M1b
IVB Tout T Tout B Tout M1C

 

L’évolution

Ce type de cancer se développe et s'étend beaucoup plus rapidement que les autres formes. De fait, le taux de doublement des cellules est de 30 jours ! Ceci explique pourquoi souvent il a déjà métastasé dans d'autres parties du corps, souvent dans le cerveau, au moment du diagnostic. Dans ce contexte, il est considéré comme une maladie systémique par les spécialistes. 
Néanmoins, il faut savoir que les carcinomes à petites cellules répondent beaucoup mieux à la chimiothérapie et à la radiothérapie que les cancers non à petites cellules.

Les grandes lignes du traitement

 

 

  Stades I à III Stade IV
Standard

Cisplatine + étoposide 4 cycles

Radiothérapie thoracique concomitante à partir de la 6ème semaine

(Irradiation cérébrale prophylactique)

Cisplatine + étoposide jusqu'à 6 cycles
Options

Carboplatine - étoposide à la place du cisplatine

Chirurgies en cas de formes très localisées

Immunothérapie

Carboplatine - étoposide à la place du cisplatine

Irradiation cérébrale si réponse complète (RC)

Irradiation thoracique complémentaire possible
(fonction de l'état général = masse tumorale extra-thoracique faible)

Seconde ligne

Rechute tardive (> 3 mois)

Reprise du traitement platine + étoposide
Topotécan J1 à J5 toutes les 3 semaines comme alternative
CarboTaxol comme alternative

Rechute précoce (< 3 mois)

Topotecan, CAV
Lurbinectidine (Zepzelca™) IV toutes les 3 semaines

 

Points clés...

Tumeur d’origine neuro-endocrine.
Un temps de doublement extrêmement rapide de l’ordre de 30 jours.
Un pouvoir métastatique très important, par voie lymphatique et sanguine (d'où peu d'indications pour la chirurgie)
Une grande sensibilité à la chimiothérapie et à la radiothérapie et maintenant l'immunothérapie.
Un risque de rechute.

Mise à jour

24 juillet 2023